De retour à Paris après 18 ans d’absence, Les Brigands mis en scène par Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff s’emparent de la Salle Favart avec autant de facilité qu’ils avaient pris la Bastille en 1993. La distribution réunie ici n’a peut-être pas l’éclat de l’affiche initiale mais la dimension de l’Opéra Comique, à l’échelle de l’ouvrage, rééquilibre la balance. Dans un espace moins vaste, l’intelligence du travail réalisé par le couple Deschamps-Makeïeff s’impose avec encore plus d’évidence. La lecture volontairement primaire et appuyée de l’opéra-bouffe d’Offenbach reste d’une efficacité redoutable, au point que l’on se demande comment aujourd’hui on pourrait le représenter autrement. Puis l’on reste épaté par la jeunesse d’un spectacle vu et revu qui n’a pourtant rien perdu de sa fraicheur ; et l’on rit comme au premier jour de gags qui, pour nous, n’ont plus l’attrait de la découverte (Ah ! L’arrivée froufroutante de l’ambassade d’Espagne). « Pour nous », écrivons-nous car, si l’on en croit ses réactions amusées, le public – qui n’est pourtant pas si jeune – semble découvrir tout ensemble et l’œuvre et la mise en scène.
Sur le plateau, à l’exception de Fragoletto, on retrouve la troupe que nous avions applaudie à Bordeaux en 2009 (voir notre compte-rendu) et à Toulon il y a quelques mois (voir le compte-rendu de Maurice Salles). C’est d’ailleurs l’esprit de troupe qui prévaut ici conformément au souhait d’Offenbach, ainsi que le soulignent Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff dans le programme. D’une distribution qui comprend près de vingt rôles, la partition n’en distingue vraiment que trois : Falsacappa, Fiorella et Fragoletto. Eric Huchet reste un chef des brigands solide et bien-disant dont on déplore juste l’économie d’aigus. Le rôle, rappelons-le, fut écrit pour Dupuis, créateur du Pâris de La Belle Hélène, qui n’était pas avare d’effets en voix de tête (ce dont se dispense allègrement Erich Huchet). Daphné Touchais interprète une Fiorilla toujours aussi frêle, même si pétillante. Le Fragoletto de Julie Boulianne a autant d’esprit que sa partenaire mais, malheureusement, pas plus d’envergure. C’est finalement le vétéran, Francis Dudziak, (il faisait déjà partie de l’enregistrement Gardiner à la fin des années 80) qui, par sa présence vocale, rafle la mise dans le petit rôle du baron de Campotasso. Citons aussi Philippe Talbot dont le comte de Gloria Cassis ne manque pas de panache.
La seule nouveauté par rapport aux éditions précédentes se trouve dans la fosse. Les musiciens, qui interprètent la partition sur instruments d’époque, sont majoritairement tournés vers le plateau. Le chef d’orchestre est donc placé non plus face à eux mais en leur centre, comme lorsqu’on a commencé à diriger Wagner à Paris (dixit François-Xavier Roth dans le programme). Ce dispositif donne à la musique d’Offenbach une vivacité qui pourra paraître trop acidulée aux partisans de sonorités plus repues. Soir de première oblige, quelques gouttes de lubrifiant sont encore nécessaires pour que le spectacle apparaisse aussi huilé musicalement que scéniquement. A cette réserve près, François-Xavier Roth fait vrombir l’Orchestre Les Siècles avec un enthousiasme contagieux.