L’organisation de solidarité internationale Women of Africa créée en 2002 et présidée par Patricia Djomseu, femme exceptionnelle, passionnée d’opéra, cheffe d’entreprise dans le domaine de l’industrie, est à l’initiative de du Concours international des voix d’Afrique organisé par Africa Lyric’s Opera et du concert donné le samedi 23 mars 2024 au Théâtre des Champs Élysées devant une salle comble. Pour l’occasion l’excellent Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine était dirigé par son chef titulaire Sébastien Billard avec une belle énergie (superbe Russlan et Ludmila de Glinka) et une réelle complicité avec les chanteurs invités.
Le concert débutait sur les sommets par le contre-ténor américain Patrick Dailey bien connu aux États-Unis pour ses rôles dans des opéras de Britten, Cavalli, Monteverdi, etc. Le lyrisme élégiaque de l’air fétiche des contre-ténors, « Vedrò con mio diletto » de l’opéra Giustino de Vivaldi, convient à merveille à sa voix légère qu’il conduit avec un legato sans faille, lui permettant des sons filés dans l’aigu jusqu’à l’extrême pianissimo. Il déclenche aussitôt une véritable ovation. Il saura, à l’avenir, mieux conforter l’assise de sa voix pour aborder plus à son aise les airs vaillants de Haendel. C’est ensuite la soprano Masabane Cecilia Rangwanasha, originaire d’Afrique du Sud et établie aujourd’hui à Zürich, qui enthousiasme le public par son interprétation remarquable du célèbre « Ebben ne andrò lontana » de La Wally de Catalani. La voix est ample, le phrasé et l’italien à l’unisson, et le timbre somptueux jusqu’à l’aigu final impressionnant d’aisance et d’amplitude. Le public anglais ne s’est pas trompé en l’applaudissant au Covent Garden dans Susanna de Haendel et en lui décernant son prix, peu après, au Concours de la BBC en 2021. Elle chante ensuite le duo de l’acte 2 de Norma en compagnie de la doyenne de la soirée, la mezzo-soprano Bonita Hyman, grande fidèle du projet Africa Lyric’s Opera, qui avait fait des débuts impressionnant au Grand Théâtre de Genève en 1999. Masabane Cecilia Rangwanasha serait superbe dans le rôle de Norma mais, prudente, elle veut encore progresser.
Suivent des airs et des ensembles qui évitent au concert de tomber dans le piège ennuyeux d’une audition de concours. Le ténor, pianiste et chef d’orchestre français Yanis Benabdallah, d’origine marocaine et hongroise, apporte à la soirée un grain de fantaisie tout à fait bienvenu. Brillant comédien, ouvert à toutes les musiques, il interprète avec panache, l’air de Kleinzach des Contes d’Hoffmann d’Offenbach et avec légèreté le Brindisi de La traviata avec la soprano Mariam Battistelli, qui est, elle aussi, une belle découverte. Soprano italienne née en Éthiopie, elle a fait ses armes dans la troupe de l’Opéra de Vienne avant de chanter en 2021 le rôle d’Adina de l’Elixir d’Amour de Donizetti au Festival de Glyndebourne. Cantatrice affirmée, elle est très émouvante dans le Chant à la Lune de Rusalka de Dvorak.
Le Chœur de l’Armée Français entre alors en scène jusqu’à la fin et Aurore Tillac, à sa tête, sait le galvaniser dans tous les genres y compris dans un thème du groupe de rock américain Toto où les solistes du chœur sont inénarrables. Suivent alors des airs de Broadway avec la mezzo américaine Raehann Bryce-Davis, les Français Françis Germain Manwell et Christian Moungoungou (excellent dans Gershwin) et un bel extrait de l’opéra camerounais de Jules Teukam Les Amazones du Dahomey chanté en langues Fon et Yoruba par la soprano Elisabeth Moussous, elle aussi camerounaise, établie en France, d’une force expressive rare dans cet air dramatique. Depuis son stage à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris elle a fait son chemin jusqu’au Teatro Regio de Parme. Elle terminait en beauté le concert, avant le populaire « Tajabone » du Sénégal et un extrait des Carmina Burana de Carl Orff par le chœur et les solistes réunis.