Initier, donner envie, rendre accessible à de jeunes enfants un joyau du répertoire mozartien, voilà le défi que le Théâtre des Champs Elysées s’est lancé en ce début d’année en accueillant pendant deux semaines les Petites Noces (d’après les Noces de Figaro), un opéra participatif d’abord donné à Rouen, interprété et dirigé par de jeunes artistes pour les plus jeunes.
Comme son nom l’indique, les Noces ont été remaniées pour être adaptées à un auditoire d’enfants, écourtées et traduites en français. Les puristes s’en offusqueront mais faire tenir assis des bouts d’chou en silence pendant plus de trois heures, même avec un entracte, eût été irréaliste et se serait vite apparenté à une expérience de dégoût pour nos chères têtes blondes. Dès lors, il fallait impérativement procéder à quelques ajustements sur la partition pour que le spectacle dure soixante-quinze minutes.
L’ouverture est ainsi largement amputée avec des raccords bien identifiables, ce qui déroute à plusieurs reprises, à l’instar du second air de la Comtesse, le « Dove Sono », dont seule la seconde partie fut chantée ou, plus incompréhensible, la suppression de la cadence si mozartienne du « Non piu Andrai ». Les intrigues parallèles comme les personnages de Barberine et Marcelline à peine évoqués disparaissent de l’histoire qui se concentre sur les deux couples phare, Basilio et le fil conducteur du spectacle, Chérubin. En effet, le rideau se lève sur un adolescent qui arrive en trottinette à une exposition consacrée aux Noces de Figaro représentant les statues des principaux personnages. Il s’éprend de celle de la comtesse. Et comme dans Une nuit au musée, les statues s’animent et le jeune homme se retrouve projeté en Chérubin au cœur du XVIIIème siècle.
Musicalement et théâtralement, ce spectacle est une réussite : Les enfants ressortent avec des étoiles plein les yeux et les oreilles, heureux d’avoir pu reprendre en chœur quelques tubes de l’œuvre originale, grâce à la présence des chefs de chant et surtout du chef Inaki Encina Oyon, dirigeant de main de maître l’Orchestre des Jeunes d’Ile-de-France, et rattrapant comme il se doit les retards du public.
Quant aux parents, ils n’ont pu que se réjouir de la qualité artistique apportée à ces Petites Noces. Le plateau, très homogène, était servi par plusieurs jeunes étoiles en devenir de l’art lyrique, parfaitement dirigés dans la mise en scène de Gilles Rico. Les pétulants Figaro de Kamil Ben Hsaïn Lachiri, finaliste du concours Voix Nouvelles 2018, et Comte Almaviva de Gilen Goicoecheva prennent plaisir à se défier sous les yeux de l’irrésistible Basilio de Pierre-Antoine Chaumien, aussi acteur que musicien, faaisant claquer les portes et multipliant les situations comiques, pour le plus grand bonheur des enfants, avec le Chérubin facétieux d’Albane Carrère campe qui se révèle pleinement dans son « Voi che sapete ». Mais le coup de cœur de l’après-midi revient à la remarquable Comtesse de Chloé Chaume et à la ravissante Suzanne de Tamara Bounazou dont il faut saluer les timbres soyeux et la ligne de chant maîtrisée.
Il tarde de les entendre dans les Grandes Noces à présent.