Mettre l’opéra contemporain à la portée de tous, beaucoup en rêvent, l’Opéra de Rennes l’a fait. A la portée de tous – et des enfants en particulier. Nous avons rarement vu autant d’enfants à l’opéra, lors d’une représentation publique, que dimanche dernier à l’opéra de Rennes.
On y donnait les Trois contes de Gérard Pesson. Ce spectacle qui a un goût de fête de fin d’année a été créé il y a trois ans à Lille.
Les trois contes en question sont sans rapport l’un avec l’autre. Le premier, présenté avec humour en cinq versions, est le « Petit pois » d’Andersen. Le sujet : impossible de dormir dans un lit où traîne un petit pois quand on est princesse ! Le second narre le mystère de la disparition du manteau de l’écrivain Marcel Proust. Le troisième, d’après Edgar Poe, est l’histoire du diable qui met la panique dans un village en déréglant son horloge. Vous voyez, des contes sans lien entre eux (… ou alors vraiment caché, le diable est peut-être dans les détails!)
Le troisième conte: le Diable dans le beffroi © Laurent Guizard
Ce qui est bien dans cette affaire – et cela, beaucoup grâce à la qualité des interprètes – c’est qu’on comprend les textes. Cela est si rare à l’opéra !
Gérard Pesson enveloppe le tout d’une musique abondante, foisonnante, crépitante, sans repère tonal bien sûr, qui déroule tout au long de l’action son flot rocailleux ou limpide. Elle fourmille de références : Marche funèbre de Chopin, Cinquième de Beethoven, Zarathoustra, Chevalier à la rose, Madame Butterfly, Air du froid de Purcell, choral de Bach, et même chabadabada de Francis Lai. N’en jetez plus !
La mise en scène ne se fait pas à l’économie : elle regorge de tableaux, de costumes, d’humour, d’effets spéciaux. Dans le conte sur Proust défile une succession de plateaux roulants portant chacun leur décor, qui sont autant de scènes différentes. Dans le conte du diable, le décor se présente sous forme d’un de ces livres d’enfant qui, lorsqu’on les ouvre, présentent des pages découpées en relief.
Côté chant, ce fut un gala ! Et cela malgré l’absence de l’interprète principale, Camille Merckx, souffrante, qui fut remplacée par l’excellente Victoire Bunel. Celle-ci chanta sa partition derrière son pupitre tandis que le metteur en scène David Lescot, vêtu en femme, mimait son rôle de reine sur le plateau. La performance de la remplaçante fut digne de son prénom, Victoire !
La délicieuse soprano Maïlys de Villoutreys fit tinter le cristal de son timbre dans son rôle de princesse.
Armando Noguera fut un roi admirable. Le ténor Pierre Derhet fait partie de ces voix agréables qui s’adaptent en souplesse au répertoire contemporain. Il en est de même de Melody Louledjian. Ah, si tous les guides de musée pouvaient s’exprimer en chantant comme elle le fait dans le conte sur le manteau de Proust !
Le baryton Jean-Gabriel Saint Martin, le comédien Jos Houben et la danseuse Sung Im Her complétèrent cette distribution exemplaire.
L’Orchestre de Bretagne apparut fort à fait à l’aise sous la baguette de Aurélien Azan-Zielinski.
Il n’y a pas à dire, à Rennes les Contes sont bons !