On retrouve cette année la production du Voyage à Reims chroniquée l’année dernière par Brigitte Cormier, dans le cadre du Festival Giovane à Pesaro.
C’est l’occasion de découvrir de nouveaux talents issus de l’Accademia Rossiniana. Le Festival regorge d’ailleurs d’anciens élèves de l’Académie : par exemple Marina Rebeka et Amanda Forsythe, respectivement Folleville et Corinna l’année passée, participent aux productions phares de cette saison : Maometto II pour Marina Rebeka et L’Equivoco Stravagante ainsi que l’hommage à Malibran pour Amanda Forsythe.
On notera au passage que la mode est en ce moment de confier cette œuvre à de jeunes chanteurs ! Il est vrai qu’elle offre un grand nombre de rôles. Mais en contrepartie, l’écriture est extrêmement virtuose et l’on se rappellera opportunément que certains grands interprètes s’appelaient Caballé, Blake, Ricciarelli, Cuberli ou encore Valentini Terrani… Il est très facile de passer à côté de cette galerie de portraits comme l’a démontré à ses dépens Valery Gergiev dans la production présentée au Théâtre du Châtelet en décembre 2005 avec ses élèves du Théâtre Mariinski. Ne se décrète pas chanteur rossinien qui veut !
On est donc d’autant plus impressionné par la qualité et le style d’ensemble des jeunes interprètes réunis au Théâtre Rossini : ils ont visiblement été très bien préparés ! On mettra tout de même un peu à part la Melibea de Saltanat Muratbekova, à la vocalisation hasardeuse, qui nous a semblé hors de propos.
Au niveau individuel, les femmes nous ont paru en général moins convaincantes cette année, la faute, pour les sopranos, à un timbre un peu uniformément acide. La Corinna de Christina Obregon séduit davantage par sa musicalité et fait montre d’une voix lumineuse mais ici encore les aigus sont un peu indurés.
On a surtout trouvé notre bonheur chez les ténors. En Chevalier Belfiore, Yije Shi déploie un bel aplomb scénique (le metteur en scène n’est pourtant pas tendre avec lui : obligé de chanter en maillot de bain, de se rouler par terre…). La voix est déjà relativement puissante et homogène et les chausses trappes de l’écriture virtuose ne lui posent aucun problème. Le Conte de Libenskopf du jeune Alexey Kudrya est lui aussi très prometteur, beau timbre, plus clair que celui de Yije Shi, belle présence… Manque encore pour convaincre totalement un registre aigu plus libre : les suraigus, très sollicités dans sa partie, sont un peu étranglés. Quoi qu’il en soit, dans Rossini ou ailleurs, un nom à surveiller.
On notera aussi la présence dans la distribution d’un bon Don Profondo ; Marco Filippo Romano est une jolie basse bouffe qui a un vrai sens du comique : les imitations des différentes nationalités dans son aria « Medaglie incomparabile » sont plutôt bien troussées !
Un petit mot enfin de la production, qui transpose l’intrigue dans une station de thalasso. Elle a pour première qualité la simplicité : décor unique (quelques transats blancs alignés devant une balustrade blanche sur un fond bleu), costumes uniformisés (peignoir blanc et mules en plastique blanc au pied pour tous) au moins dans la première partie . La lisibilité de l’intrigue s’en ressent cependant fortement : il est bien difficile au début d’identifier les différents protagonistes, les spécificités s’effacent. Mais n’est ce pas là le but du metteur en scène que de mettre en avant le groupe plutôt que des individualités ?
Alors, vaut le voyage ? Peut-être pas, mais mérite assurément un détour !
Antoine Brunetto