En ce dimanche après-midi où la chaleur est telle qu’une spectatrice s’évanouira, L’italiana in Algeri est confiée aux élèves de l’Académie auxquels Raul Gimenez et Lorenzo Regazzo dispensent leurs cours. Sur la scène de la Trinkhalle, une rangée de chaises pour accueillir les choristes de la Camerata Bach Chor et quatre autres disposées tête bêche à jardin et à cour, qui ne seront déployées que pour la scène du café. L’ascétisme de ce dispositif n’a rien de répréhensible, puisqu’on est dans une mise en espace que signe Antonio Petris. On peut néanmoins se demander si l’absence du moindre accessoire – le turban du mamamouchi, le plateau avec le service à café – n’aura pas laissé sur sa faim qui venait découvrir l’opéra, comme notre jeune voisin, en dépit des surtitres en italien et en allemand.
Matija Mei (Taddeo) Daniele Caputo (Ali) Laurent Kubla (Mustafa) et Marina Viotti (Isabella) © Roxana Vlad
Aucune perplexité en revanche sur la distribution, au moins pour le public, qui fête tout le monde, peut-être porté à l’indulgence par l’euphorie que diffuse l’œuvre, dans l’enchaînement rigoureux de sa mécanique comique. Pourtant, en Lindoro, Gheorghe Vlad, que nous avions apprécié l’an dernier dans Adelaide di Borgogna, se révèle ici franchement décevant, avec une émission serrée et une voix qui va du blanc au nasillard, à se demander s’il est malade et ce qu’il a pu faire depuis lors. Mais les autres, en effet, passent l’examen haut la main. Daniele Caputo campe un Ali très présent, curieux et empressé ; sans être inoubliable la voix sonne bien et l’émission est franche. Silvia Aurea di Stefano nourrit Zulma d’un tempérament nerveux qui en fait la gardienne vigilante de sa maîtresse Elvira. Celle-ci a le charme et la drôlerie de Sara Blanch, aux aigus déliés et qui pleurniche à ravir. Matija Mei, baryton-basse déjà remarqué l’an dernier, a fait des pas de géant dans le contrôle de l’émission et l’aisance scénique, son Taddeo est digne d’une grande scène, on en est très heureux pour lui. Le Mustafa de Laurent Kubla est peut-être plus impressionnant par sa stature que par sa voix, mais la combinaison des deux avec une volonté manifeste d’entrer dans le jeu comique rendent sa composition très honorable. Marina Viotti, enfin, habite Isabella de tout son charme. Fille du regretté chef d’orchestre, elle a été nourrie de musique depuis son enfance et c’est peut-être l’explication, s’il en faut une d’une exacte musicalité, qualité principale d’une interprétation où la vis comica est toujours accompagnée d’une grâce délicieuse. Seule ombre au tableau, un dernier aigu crié, qui altère in extrémis une prestation sans défaut. Cerise sur le gâteau, l’orchestre se montre à son meilleur, les cors sont sans reproche, et José Miguel Pérez-Sierra obtient des effets de transparence et d’écho qui font déjà de l’ouverture une entrée de fête. Musiciens et chef prennent justement leur part du triomphe décrété par le public, triomphe auquel sont justement associés Silvano Zabeo, pour son continuo disert et narquois, et les choristes, qui sont restés vaillants malgré les projecteurs. Décidément cette Livournaise émoustille toujours autant à Bad Wildbad !