Engelbert Humperdinck (1854-1921)
Hänsel et Gretel
Opéra en trois actes (1891-1893)
Livret d’Adelheid Wette
d’après un conte des Frères Grimm
Margot Dutilleul (Hänsel), Agnès Bove (la Sorcière), et Violaine Fournier (Gretel)
Gretel : Violaine Fournier
Hänsel : Margot Dutilleul
La Mère, la Fée, la Sorcière : Agnès Bove
Le Père, le Marchand de Sable : Hervé Hennequin
Mise en scène : Ned Grujic
Scénographie et costumes : Anne Bothuon
Création lumières : Philippe Sazerat
Direction musicale : Frédéric Rubay
Réduction d’orchestre : Laurence Huc
piano : Hyunchan Kye
clarinette : Sylvain Juret
violoncelle : Ingrid Shoenlaub
Version abrégée,
texte chanté en français.
Ville d’Avray, Théâtre du Colombier, 14 novembre 2009
Ma sorcière bien aimée…
L’histoire est simple et bien connue dans les pays anglo-saxons, où elle constitue un must des fêtes de fin d’année : Hänsel et Gretel en ont assez de ne manger que du pain sec et préfèrent jouer et danser plutôt que d’aider aux tâches ménagères qu’ils délaissent. Très en colère, leur mère les envoie dans la forêt cueillir des fraises, provoquant l’inquiétude de leur père : en effet, une méchante sorcière habite dans les bois et mange les petits enfants qu’elle croise sur son chemin… Les enfants se perdent, et le lendemain découvrent une maison faite de bonbons et de pain d’épice. La vieille femme qui y habite les invite à entrer et à tout manger : c’est bien la sorcière en question, qui ne rêve que d’engraisser les deux enfants avant que de les accommoder à sa sauce pour mieux les déguster…
Humperdinck avait réalisé cet opéra, sur un livret de sa sœur, pour le cercle familial, et c’est devant le succès rencontré qu’il a eu l’idée d’en faire un « grand » opéra quasi wagnérien, à l’orchestration flamboyante. Néanmoins, la réduction pour trois instruments présentée ici n’est pas choquante puisqu’elle nous renvoie à la source de l’œuvre, surtout du fait que l’adaptation (qui ne peut bien sûr rendre toute la richesse de la partition orchestrale mais qui l’évoque avec brio) et les instrumentistes sont d’une grande qualité (et tout particulièrement Ingrid Shoenlaub qui manie l’archet aussi bien qu’elle fait le coucou). Sur scène, les voix ne sont pas les plus belles ni les mieux travaillées du monde (une mention spéciale à Violaine Fournier et Hervé Hennequin), mais elles sont parfaitement adaptées aux rôles, et tous jouent, sautent, dansent à la perfection. Car il faut saluer ici un excellent travail de troupe (nous avions rendu compte l’an dernier de la représentation des Bavards d’Offenbach par cette même jeune compagnie Minute Papillon), et c’est l’ensemble qu’il convient d’apprécier. On souhaiterait simplement que la prononciation soit plus travaillée, car à quoi bon chanter en français si l’on ne comprend pas la totalité d’un texte au demeurant parfois faiblard et incorrect (« je suis un cuisinier hors pair, mais ça ne me profite guère quand il n’y a rien dans le Frigidaire… »).
Inspiré d’un conte des Frères Grimm, l’opéra d’Humperdinck fait naviguer le spectateur de la fantaisie au réalisme, de la légèreté à l’angoisse, du monde de l’enfance à celui du symbole. C’est donc une œuvre éminemment « familiale », et de fait, les familles avec enfants (« à partir de 5 ans ») étaient nombreuses ce soir. Qualité d’écoute exceptionnelle, pas un bruit, les petits yeux grands ouverts sur les aventures de deux autres enfants dans le monde magique des fées et des sorcières. La mise en scène de Ned Grujic, les décors et les costumes d’Anne Bothuon sont en ce sens en tous points remarquables. Dès le départ, le Marchand de Sable qui réveille un à un les musiciens endormis est un beau moment de théâtre, de même que l’évocation de la sorcière par le père en ombres chinoises, le passage de la fée, et la transposition de la maison de pain d’épices en grand surface avec promotions et caddie. C’est peut-être ce dernier avatar qui est le plus efficace, car d’un coup, il relie pour les enfants le domaine du rêve à celui de la réalité d’aujourd’hui, et à toutes les convoitises actuelles, miroir aux alouettes de notre société de consommation. Saluons au passage le projet pédagogique qui accompagne le spectacle, et qui permet au milieu scolaire d’avoir accès à cette forme de spectacle trop souvent qualifiée d’élitiste, alors qu’elle est à la base – cette belle représentation le prouve – éminemment populaire.
Il ne faut pas manquer ce joli moment de théâtre lyrique, qui sera redonné au Sel à Sèvres, du 4 au 8 janvier 2010, à l’Espace Paris Plaine (Paris 15e), du 13 janvier au 7 février 2010, et au théâtre Le Nickel à Rambouillet, le 12 février 2010. Emmenez-y vos enfants, neveux et nièces, et tous leurs petits camarades, ils y découvriront – si ce n’est déjà fait – combien chanter peut être naturel, et vous, que les histoires de sorcières restent une valeur sûre !
Jean-Marcel Humbert