Au festival de Munich, les soirées se suivent en suivant une même recette, mais ne se ressemblent pas forcément. Créer quelques nouvelles productions, programmer beaucoup de reprises et, dans tous les cas, convoquer de grands noms de la scène lyrique actuelle : pour une Arabella portée par une distribution de rêve, ou la dernière Isolde, forcément inoubliable, de Waltraud Meier, la recette a pleinement fonctionné. De la Madama Butterfly donnée dans la foulée, on gardera en revanche un souvenir moins indélébile.
Les grands noms de la scène lyrique actuelle ne manquent pourtant pas, là encore ; seulement ce soir ils convainquent moins. Depuis quelques années, et plus singulièrement à Munich, où elle fut la Manon Lescaut de Jonas Kaufmann en lieu à place d’Anna Netrebko, Kristine Opolais remporte de francs succès qui saluent peut-être sa personnalité davantage que sa voix : Cio-Cio San lui offre l’occasion d’esquisser une femme attachante, peut-être plus véhémente qu’à l’accoutumée, moins corsetée aussi, déjà consumée par l’amour aux premières mesures de son apparition, et quasiment enragée dès le début de son dialogue avec Sharpless au II. Mais son chant aux couleurs délavé, vite à court d’aigu, n’aide pas à parachever le portrait. De chant, on pensait être rassasié avec le Pinkerton de Joseph Calleja ; las, peut-être en méforme ce soir, le ténor maltais contrôle moins bien que d’habitude le vibrato serré qui, habituellement, donne à sa voix un charme particulier. Lui aussi en panne d’aigus, qu’il semble extirper à grand peine de son gosier, il n’a presque que sa présence et sa fréquentation du rôle pour imposer un personnage idéalement odieux jusque dans les onctuosités de ses intonations.
Du reste de la distribution, routière au regard des critères munichois, c’est-à-dire luxueuse, émergent Markus Eiche, Sharpless dont l’indifférence polie ne fait qu’isoler encore Butterfly dans son attente, et Okko von der Damerau, Suzuki sonnante et maternante.
Tous évoluent avec des aisances variées dans le spectacle de Wolf Busse, qui règle, dans les décors à la beauté crépusculaire d’Otto Stich, des déplacements pour le moins épurés. Le théâtre est un peu plus bas, dans la fosse, où Daniele Callegari, à la tête d’un orchestre et de chœurs en grande forme, attise des braises qui, aux saluts, parviennent à réchauffer un public finalement conquis…