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MAHLER, Deuxième symphonie – Liège

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Spectacle
4 mars 2025
Guérir l’âme à grands renforts de cuivres et de contrebasses

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Gustav Mahler
Symphonie n°2 en do mineur « Résurrection » pour soprano, alto, chœur et orchestre (1888, 1893-1894), créée dans sa version complète le 13 décembre 1895 à Berlin

  1. Allegro maestoso. Mit durchaus ernstem und feierlichem Ausdruck.
  2. Andante moderato. Sehr gemächlich. Nie eilen.
  3. In ruhig fliessender Bewegung.
  4. Urlicht. Sehr feierlich aber schlicht. Choralmässig.

5.a) Im Tempo des Scherzos. Wild herausfahrend.

5.b) Langsam.

5.c) Allegro energico.

5.d) Langsam, mysterioso.

Détails

Soprano
Polina Pastirchák

Mezzo-soprano
Jennifer Johnston

Chœur symphonique de Namur

Orchestre Philharmonique Royal de Liège

Concertmeister
George Tudorache

Chef assistant
Hans Vercauteren

Chef de chœur
Benoît Giaux

Direction musicale
Gergely Madaras

Liège, salle philharmonique

Vendredi 28 février 2025, 20h

Monumentale, c’est peut-être – au fond – par la démesure de ses ambitions que la Deuxième de Mahler tranche le plus dans le paysage globalement monotone de toute vie. Mahler ne manque d’ailleurs pas de le rappeler quand, aux scènes joyeuses ou dansées, répondent des dissonances aujourd’hui intégrées mais qui, alors, pouvaient encore relever de l’inaudible – pas tant ce qu’on ne peut entendre que ce qu’on ne veut entendre. Car la Deuxième porte bien un discours à certains égards insupportable. Et s’il est question de Résurrection (bien que Mahler n’ait jamais donné de titre – ni celui-là, ni un autre – à sa symphonie), c’est qu’il est d’abord question de mort. Pas de résurrection sans vie préalable, sans souffrance, sans mort. Pas de lumière sans ténèbres. Après deux millénaires de christianisme, on connaît la rengaine. Pourtant, rien n’est plus insupportable et, dès lors, difficile. « Travaillons donc à bien penser », écrivait Pascal. Puisque l’homme a la conscience de sa propre fin, à lui d’en tirer les conclusions et, précisément, de vivre – le cas échéant, joyeusement – avec cette certitude. Une merveilleuse amie avait laissé un post-it sur son exemplaire des Pensées avant de partir : « médecin de l’âme ». L’ambition démesurée de la Deuxième peut sans doute se lire à cette aune : relire la vie à partir de la mort, dans une perspective heureuse – guérir l’âme à grands renforts de cuivres et contrebasses.

Si Mahler n’a pas donné de titre à son grand poème, il est certain qu’il avait une vision très précise de l’histoire qu’il racontait – parce qu’il a écrit une partie des textes chantés, mais aussi parce qu’il attachait une grande importance à la manière dont l’œuvre serait comprise (elle ne l’a pas toujours été, ni tout de suite). Le compositeur écrit plusieurs programmes à l’occasion des exécutions de la Deuxième : « Dans le premier mouvement, le héros symphonique est porté en terre après un long combat “contre la vie et le destin”. Il lance un regard rétrospectif sur son existence, d’abord sur un moment de bonheur (deuxième mouvement), puis sur le tourbillon cruel de l’existence, sur la “mêlée des apparences” et “l’esprit d’incrédulité et de négation” qui s’est emparé de lui (Scherzo) ». Sous la baguette de Gergely Madaras, violoncelles et contrebasse semblent en effet remuer le sol, manière de figurer le tremblement des enfers ou les coups de pelle donnés par les hommes eux-mêmes – ces coups de pelle que Romeo Castellucci avait si justement mis en lien avec l’œuvre mahlérienne dans sa propre Résurrection. L’attaque est incisive, pas directement terrifiante, laissant au thème la place qui convient pour déployer sa démesure. Car l’art du chef consiste peut-être d’abord en un exercice de dosage, tant la partition semble indomptable. Si, dans la Seconde, c’est bien la moindre des choses de parvenir à faire parler les cordes dès la première attaque, le vrai défi consiste peut-être à trouver l’équilibre juste entre les intentions – mais c’est une banalité de l’écrire – et entre les timbres. Aux grincements des damnés – que l’on aurait parfois aimé plus violents encore – répond le son plein, suave et rond, presque voluptueux et à certains égards comme beurré, des bois. Très vite, l’attention du chef est de nouveau axée sur la portée bucolique de l’œuvre, servie par une excellente flûte traversière qui n’abandonne toutefois jamais l’inquiétude des premières mesures. La véritable illumination se produit à l’entame du troisième mouvement, tandis que les cordes apportent une scansion qui permet peu à peu à la lumière de jaillir du précipice creusé jusqu’alors. C’est là que naît l’espoir – espoir qui n’existe que dans une lutte entre obscurité et lumière, entre cuivres et bois, entre trompettes (apocalyptiques, cela va toujours de soi) et flûtes (peut-être angéliques, cela va un peu moins de soi). Et quand on entr’aperçoit un choral de Bach aux cuivres, on sait que, au fond, il est bien question de résurrection.

Au terme de l’épopée orchestrale surgit l’homme – ou, plus justement d’ailleurs, la femme – et ce qui le caractérise peut-être en premier chef : la parole, la poésie, le mysticisme et la pensée de la mort, la capacité de penser cette pensée, de l’exprimer en un souffle qui surgit d’abord du corps – c’est-à-dire de la chair mortelle et donc d’un lieu éphémère et périssable, celui de toutes ses angoisses ; celui qui doit, pourtant, renaître malgré la décomposition (biologiquement ou, de manière plus concrète, politiquement – ce qu’avait remarquablement compris Castellucci). Jennifer Johnston offre le timbre souple et chaud qu’appelle l’émergence de la petite rose rouge (« O Röschen rot »)  sur son champ de ruines (« Der Mensch liegt in größter Not, der Mensch liegt in größter Pein ») – comme un souffle vital. On regrette des cuivres un peu à côté de leurs pistons depuis le début de l’œuvre et qui, à cet instant, tranchent trop franchement. Johnston dirige sa phrase en une direction tendue et toute entière dirigée vers la lumière : son « leuchten mir » est ancré dans un médium-grave large mais plein d’harmoniques. C’est la parfaite jonction entre les deux pôles que charrie sans cesse Mahler. Mais l’énergie la plus intense surgit du chœur (Chœur symphonique de Namur). La première attaque est éblouissante d’ancrage et de sérénité. Le son est ample. Il émerge et éclot des profondeurs. D’ailleurs, sans que l’équilibre se trouve perturbé, ce sont les basses que l’on entend d’abord – pas tant le pupitre, que la  granularité vocale qui confère à l’ensemble largeur et présence. Polina Pastirchák peine d’abord à passer l’orchestre mais, peu à peu, elle affirme un timbre clair et une projection efficace qui, dans le duo « O Schmerz, du Alldurchdringer ! », offre un très beau contrepoint à l’alto.

Le 22 janvier 1899, Mahler donnait la première exécution d’une de ses œuvres hors territoires germaniques, à Liège, en la salle philharmonique, avec sa Deuxième symphonie qui avait déjà été jouée dans la même salle le 6 mars 1898 sous la direction de Sylvain Dupuis. À l’évidence, l’œuvre y a une vie particulière. A-t-elle pu y ressusciter ?

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Symphonie n°2 en do mineur « Résurrection » pour soprano, alto, chœur et orchestre (1888, 1893-1894), créée dans sa version complète le 13 décembre 1895 à Berlin

  1. Allegro maestoso. Mit durchaus ernstem und feierlichem Ausdruck.
  2. Andante moderato. Sehr gemächlich. Nie eilen.
  3. In ruhig fliessender Bewegung.
  4. Urlicht. Sehr feierlich aber schlicht. Choralmässig.

5.a) Im Tempo des Scherzos. Wild herausfahrend.

5.b) Langsam.

5.c) Allegro energico.

5.d) Langsam, mysterioso.

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Soprano
Polina Pastirchák

Mezzo-soprano
Jennifer Johnston

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Concertmeister
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Vendredi 28 février 2025, 20h

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