Deux fois la même symphonie de Mahler à un mois d’écart, c’est une coïncidence que l’offre parisienne démultipliée peut proposer. En attendant, l’arrivée dans la Grande Halle de la Villette, prise d’assaut à la billetterie, de l’expérience Aixoise imaginée par Romeo Castellucci, l’auditorium de Radio France affichait aussi complet pour ce « simple » concert de l’Orchestre National de France et de son directeur musical Cristian Măcelaru.
Seraient-ce les présences trop rares à Paris de Karen Cargill et Hanna-Elisabeth Müller qui ont provoqué cet engouement ? On ne boude pas notre plaisir. La mezzo écossaise couve l’Ulricht d’un timbre dont la rondeur dissimule quelques granularités. L’émission droite, un léger vibrato et une science du texte toute en sobriété porte ce mouvement vers les contrées duveteuses souhaitées, bien aidé en cela par un orchestre frémissant. Face à ce Ying corsé, Hanna Elisabeth-Müller s’installe comme un Yang adéquat : voix charnue malgré sa tessiture et lignes toutes mozartiennes. Leurs brefs échanges dans le final surpiquent les interventions solennelles du chœur. L’incantation vitale y acquiert une lumière toute particulière. Le Chœur de Radio France parachève excellement l’ouvrage. De l’unisson piano initial au tutti forte face à l’orchestre et l’orgue, il ne se dépare jamais de son homogénéité. Pourtant chaque pupitre trouve le moyen de briller dans l’écriture en canon qu’a choisie Mahler.
Dans cet auditorium dont on ne cessera de vanter les mérites, l’Orchestre National de France trouve ses marques immédiatement : les attaques sont mordantes quand il le faut, les accords d’une précision d’orfèvre. Les individualités brillent, du premier violon au picolo solo, des harpes aux trompettes. Cristian Măcelaru joue, voire surjoue d’autant de versatilité. Ses tempi s’étirent parfois au risque de perdre le sens global même si l’architecture demeure. A l’inverse, les embardées qu’il décide, viennent fouetter la narration mahlérienne de cette résurrection mais brouille la limpidité de l’orchestre, transformée en masse sonore indistincte. Des défauts certes mais que l’on oublie volontiers devant la qualité de l’exécution et le propos dans sa globalité.