La huitième symphonie de Mahler reste une gageure colossale à assembler et à réussir, et si Daniel Harding parvient au premier, il échoue encore au second en ce vendredi 24 novembre à la Philharmonie de Paris. L’allegro « Vieni creator spiritus » résume l’ensemble des problèmes que rencontre le chef et qui ne seront que partiellement résolus dans les scènes finales du Second Faust de la deuxième partie. La symphonie souffre dès les premières mesures d’un lancement timoré, sur un tempo lent – sûrement pour aider à la bonne tenue de route de tous – qui finit par rendre brouillonne toute la structure contrapuntique et ne permet pas aux chœurs d’occuper tout l’espace qu’ils devraient. Les ruptures de rythme et de tempo sont trop brusques et renforcent cette sensation des « Mille » qui se cherchent. Daniel Harding manque de fait d’angle et cherche à embrasser toutes les options possibles entre une symphonie prise comme un geste théâtral quasi opératique ou son opposé liturgique. Tout juste devine-t-on que le septuor de solistes s’avère excellent.
La deuxième partie permet de tempérer ce jugement. Les forces orchestrales et vocales réunies jouissent certainement d’une préparation sans faille. Les cordes offrent une masse duveteuse et ductile emmenées par un premier violon chantant ; la petite harmonie s’épanouit en tons et couleurs diverses au fil de la longue narration ; aucune scorie ne vient entacher l’exécution musicale. Une fois encore, on regrette que les stations ne soient pas plus appuyées : les landes désertiques du début des scènes manquent encore d’aridité et de mystère. Les chœurs, toutefois, ont eux retrouvé leur aplomb et délivrent tant chez les enfants que chez les adultes une performance remarquable.
Ainsi le « Blicket auf » avant l’ensemble final s’avère le sommet de la soirée : l’orchestre a trouvé son juste équilibre entre masse et transparence, les chœurs le secondent à l’unisson cependant que Andrew Staples distille un chant poétique qui se rit de toutes les difficultés. L’octuor réuni confirme son adéquation aux exigences redoutable de l’œuvre. Tout juste reprochera-t-on à Johanni Van Oostrum une émission qui trahit quelques efforts. A l’inverse, Johanna Wallroth propose une mater gloriosa aérienne. Marie-André Bouchard-Lesieur soutient la comparaison avec ses illustres compagnons : Jamie Barton dont le timbre mordoré et le projection insolente font merveille. Sarah Wegener, spécialiste de ce répertoire, en impose par la maîtrise technique et son sens du phrasé. Enfin Tareq Nazmi et Christopher Maltman s’avèrent deux solistes luxueux malgré leurs courtes interventions.