Les Berliner Philharmoniker dans leur antre, Semyon Bychkov à leur tête et un tube du répertoire – la IVe de Mahler – n’y auront pas tout à fait suffit. Dans un Berlin cerné après les fermetures à Liepzig et à Dresde, irréductible village brandebourgeois devant l’avancée de la cinquième vague, la Philharmonie ne fait pas le plein. Dommage pour les absents, ils passent à coté de trois bonnes raisons d’être dans la salle.
Le nouveau concerto pour piano de Thomas Larcher, créé in loco à cette occasion s’avère une remarquable œuvre qui puise ses influences autant dans le Japon d’un Joe Hisaishi, le jazz ou encore Bartók tout en affirmant une style personnel. Classiquement composé en trois mouvements (des manières d’allegro, d’adagio et d’andante), il alterne grandes pages où le Philharmonique de Berlin et Kirill Gertsein rivalisent de virtuosité et de moments intimes où l’on se régale des sonorités de la myriade d’instruments exotiques sortis tout d’un droit d’un studio de bruitage de cinéma, le piano recouvert de capodastres ou encore le pianiste debout pour jouer les harmoniques en étouffant les cordes sur le cadre.
La direction de Semyon Bychkov constitue le deuxième point fort de la soirée. D’un geste souple et élégant, il brosse, pupitre après pupitre, les phrases musicales de cette symphonie en sol majeur à la couleur si lumineuse dans l’œuvre du compositeur autrichien. Il donne un leçon de rubato dans un premier mouvement chaloupé comme une valse en fin de soirée arrosée. Il colore avec doigté les commentaires qui encadrent amoureusement le violon désaccordé du deuxième et étire le troisième jusqu’à une explosion finale grisante. Enfin, il sertit un petit écrin acerbe autour de la soprane et de son texte extrait des Knaben Wunderhorn.
Chen Reiss les déclame avec toute la poésie et l’ironie nécessaires. La voix possède une chaleur communicative. Le timbre, comme un cépage charnu, bénéficie d’un fruit tour à tour doux et acide. La technique et la longueur du souffle lui autorise des attaques de phrases au millimètres et des pianos à l’aigu du plus bel effet. Si le quatrième mouvement est le plus court, il donne très certainement envie de fréquenter le soprano israélien sur une scène dans un rôle conséquent.