La motivation du passionné d’art lyrique le conduit à l’occasion hors de ses pénates vers d’autres contrées. Excité par telle tête d’affiche, metteur en scène, chef d’orchestre (rayez la mention inutile), il choisit avec soin la date de son périple. Hasard de calendrier, c’est la deuxième distribution qui se produit ce samedi 18 mars au Teatro Regio de Turin, quand des échos enjoués des premiers interprètes bruissent encore. A l’évidence ni Svetlana Kasyan ni Carlo Ventre ne convainquent. Elle, trop légère pour un rôle dont le centre de gravité l’entraîne bien trop loin de ses facilités dans l’aigu, maintient la cohésion de ses registres de haute lutte. Seuls quelques piani filés viennent enluminer un chant qui reste prosaïque, concentrée qu’elle est à faire les notes. Lui, fruste dans la ligne et le phrasé qu’il émaille de portando, ne parvient à nuancer qu’entre mezzo-forte et fortissimo. Là encore, rien de rédhibitoire mais tout cela manque de séduction, de passion… en un mot d’émotion. Les duo enfiévrés ressemblent à des récitations, l’urgence et l’impatience se résument à une question de tempo et la souffrance, l’agonie à une affaire de mimiques scéniques éculées.
Faute de grives, l’on se rabat affamé sur les merles. Les comprimari tiennent leur rang, notamment Fabrizio Beggi qui brosse un portrait à la fois noble et cauteleux de Géronte de Ravoir. Dalibor Jenis connait son Lescaut et le récite avec soin. Le chœur affiche une belle cohésion doublée d’une certaine aisance scénique. Un merle rare pourtant, dont les ailes battent gracieusement ou fouettent les airs selon les situations, transforme la soirée. Toutes ces nuances, la romance, la fièvre, la fuite, le désespoir qui manquent, l’orchestre les prend à son compte. Gianandrea Noseda s’appuie sur ses fondamentaux : des tempi vifs bien souvent, des contrastes et l’art de difracter son orchestre pour mettre en valeur simultanément plusieurs plans musicaux, ou des solos (mention pour la harpe, le hautbois et la flûte). C’est ainsi que Puccini retrouve ce qu’il doit à Wagner dans l’enchaînement ou la superposition de motifs. L’italianità des accélérations dans les finals et des suspensions de rythme (le prélude du troisième acte exige une concentration intense des musiciens pour suivre les points d’orgue) vient se marier parfaitement à cet ensemble.
La mise en scène enfin joue la carte du grandiose et de la fidélité. Il ne manque pas un bout au navire du port du Havre, pas un colifichet aux costumes et pas un lacet aux corsets. Si le cadre est visuellement flatteur, la direction d’acteur ne vient aucunement en aide aux protagonistes. Au final, cette débauche nuira au déroulé de la soirée. Ces décors sont lourds et exigent un entracte de vingt-cinq minutes à chaque tombée du rideau. Quatre actes et trois entractes donc : un hachage menu de la partition qui agace tout à fait le spectateur.
(Nota bene : les photos d’illustration ont été prises avec la première distribution)