Le festival emblématique de la Principauté de Monaco, le Printemps des arts, effectue cette année un virage aussi important que celui dit « de la Rascasse » dans son Grand Prix automobile. Après avoir été dirigé pendant dix-neuf ans par le compositeur de Marc Monnet, le festival vient d’être confié à son collègue Bruno Mantovani.
Celui-ci est arrivé avec son équipe artistique et musicologique parisienne, dans l’intention de conquérir la Principauté. Le travail est considérable. La conférence d’ouverture du festival n’a réuni qu’une dizaine de personnes et le magnifique premier concert, donné par l’Ensemble Gilles Binchois, en présence de la Princesse Caroline, moins d’une centaine !
Bruno Mantovani a offert à son festival une devise peu engageante, issue d’une œuvre de Guillaume de Machaut : « Ma fin est mon commencement ». En matière de communication, on connaît des slogans plus excitants !
C’est avec la célèbre Messe de Nostre Dame dudit Machaut qu’il a ouvert le festival. Pour ce faire il avait fait le bon choix de l’Ensemble Binchois.
Les voix pures, parfaites, presqu’immatérielles de cet ensemble masculin se sont élevées sous les voûtes dorées de l’Église Saint Charles de Monaco. Le trésor de cette musique née dans les nefs sombres des cathédrales gothiques s’est répandu sous la vaste coupole de cette église construite au XIXe. au moment de l’opulente création de la ville de Monte-Carlo.
Dominique Vellard est le maître irremplaçable de cet ensemble vocal. Il fallait le voir, assis sur sa chaise, diriger ses chanteurs avec des gestes qui faisaient croire, à certains moments, qu’il les bénissait. C’était d’ailleurs peut-être la vérité !
Et alors montaient, comme du fond des siècles, cette messe polyphonique d’un ahurissant modernisme, avec ses dissonances, ses « frottements », ses audacieux glissements, avec, aussi, ses passages isorythmiques et ses jeux d’imitation – toute une alchimie musicale propre au génie des compositeurs de cette ancienne époque. Cette musique si pure, si belle, s’adresse directement au Ciel.