Pour la trentième édition du festival de Saint-Céré1, le directeur Olivier Desbordes a brassé des champs musicaux très variés, avec néanmoins quelques points communs : mélange des cultures avec la Carmen arabo-andalouse,facilité d’approche avec une Bohème donnée dans sa version française, opérette exotique avec La Belle de Cadix, sans oublier les concerts gratuits du festival « off » avec de la musique arabo-andalouse ou des chansons de Michel Legrand par exemple. Forte de son succès croissant et d’un public de fidèles augmenté par les curieux novices attirés par la réputation de qualité et d’originalité de la manifestation, la programmation du festival intègre également la musique religieuse.
Initialement couplée avec une œuvre de Brecht, La Mère, mise en musique par Hanns Eisler dans les années 1920, le très populaire Requiem de Mozart a finalement été associé à un Regina Caeli plus en phase avec ce qu’il était possible de réaliser avec le chœur du stage de chant choral de Saint-Céré. Cette formation existe depuis 1960, créé par Pierre Host et Pierre de Miramon et se propose d’aider à se perfectionner des chanteurs amateurs encadrés par des professionnels, parfois des grands noms de la musique, pendant une quinzaine de jours. Les choristes, manifestement heureux de chanter dans le cadre du festival et de la cathédrale de Cahors, se sont tirés avec les honneurs d’un exercice pourtant périlleux. Il faut saluer le travail de l’équipe des chefs de chœurs qui ont permis à un effectif conséquent de s’épanouir et vibrer avec une parfaite homogénéité.
Certes, l’acoustique de la cathédrale de Cahors n’est pas parfaite, mais l’idée de tourner les bancs afin de placer les artistes dans le narthex plutôt que dans le chœur de l’église permet de pallier les déperditions et les réverbérations. L’acoustique ainsi contenue est au final très agréable et magnifie des œuvres encore plus solennelles dans un tel contexte. On suit l’ensemble avec ferveur dans une cathédrale archicomble.
Les solistes, quant à eux, savent magnifier délicatement les deux prières par une interprétation tout en retenue et solennité. Isabelle Philippe, soprano, vocalise sobrement et expressivement dans le Regina Caeli puis achève de convaincre dans le Requiem où, à l’unisson du reste de la distribution, elle se fait tour à tour consolatrice, terrifiée ou douloureuse. Elle confirme par ces qualités la bonne impression de la Bohème mentionnée plus haut où elle incarnait Mimi. La belle surprise de la soirée, c’est la mezzo-soprano Hermine Huguenel qui nous l’offre. Dotée d’un beau timbre émouvant en soi, la jeune femme impose le respect par sa technique et la sûreté de son phrasé. On attend de la découvrir dans des rôles plus étoffés car la virtuosité soliste n’est pas de mise dans cette messe des morts. Les voix masculines se fondent elles aussi dans cette éthique. Le ténor Svetislav Stojanovic projette des aigus lumineux et purs. Son médium est caressant. Quant à la basse Jean-Claude Sarragosse, son chant illumine le de profundis. Là encore, on souhaite le voir s’épanouir dans un rôle plus exigeant.
La direction d’orchestre de Jérôme Pillement achève d’emporter l’adhésion. Des tempi rapides permettent au Requiem de déployer toutes les nuances de tragique, de brillant et de pathos qui caractérisent cette œuvre hybride. On reste curieux de savoir ce que Mozart en penserait s’il était à même de l’écouter. Ce sont pourtant bien des sonorités mozartiennes tout à fait familières que l’on entend, avec un pincement tout particulier lors du vibrant Lacrimosa, célèbre « berceuse de la mort » selon la formule de Jean-Victor Hocquard. Une bien belle soirée, au final, dans le cadre d’un festival à découvrir absolument dans ses aspects les plus divers !
1 Voir le détail des manifestations sur le site http://www.opera-eclate.com/