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MEYERBEER, L’Africaine – Marseille

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Spectacle
13 octobre 2023
Une indéniable réussite vocale et musicale

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra en cinq actes (avril 1865, Opéra de Paris)
Musique de Giacomo Meyerbeer
Livret d’Eugène Scribe

Nouvelle production de l’Opéra de Marseille

Détails

Mise en scène
Charles Roubaud

Assistant
Jean-Christophe Mast

Décors
Emmanuelle Favre

Assistante
Anaïs Favre

Costumes
Katia Duflot

Lumières
Jacques Rouveyrollis

Assistante
Jessica Duclos

Vidéos
Camille Lebourges

 

Selika
Karine Deshayes

Ines
Hélène Carpentier

Anna
Laurence Janot

Vasco de Gama
Florian Laconi

Nelusko
Jérôme Bouteiller

Don Pedro
Patrick Bolleire

Don Alvar
Christophe Berry

Don Diego
François Lis

Le Grand Prêtre de Brahma
Cyril Rovery

Le Grand Inquisiteur
Jean-Vincent Blot

Un matelot/ Un prêtre/ Un huissier
Wilfried Tissot

Un matelot
Jean-Pierre Revest

 

 

 

Chœurs de l’Opéra de Marseille

Chef de chœur
Christophe Talmont

Orchestre de l’Opéra de Marseille

Direction musicale
Nader Abbassi

 

Opéra Municipal, dimanche 8 octobre 2023 à 14h30

 

 

L’épidémie de Covid avait entraîné le report de cette nouvelle production de L’Africaine à l’Opéra de Marseille, où elle vient d’ouvrir la saison dans une version de la partition très proche de celle qui avait été donnée à Strasbourg. Rappelons que Meyerbeer écrivait beaucoup de musique et procédait, au fil de l’avancée des répétitions, aux ablations qui semblaient nécessaires pour renforcer l’impact dramatique. Comme il mourut avant la création, en 1865, ces ajustements furent laissés par l’Opéra de Paris à l’initiative de son contemporain François-Joseph Fétis, dont les choix furent discutés aussitôt puisqu’une édition rivale parut chez l’éditeur allemand Bote & Bock où figurait du matériel musical et vocal que Fétis avait écarté.

Autant dire que, comme les témoins de la création, nous ne savons pas ce qu’aurait été la version choisie par le compositeur et que l’œuvre que nous connaissons ne correspond probablement pas exactement pas à ses volontés, ni même son titre, auquel il avait pensé avant de lui préférer Vasco de Gama. Autant dire que ce que nous entendons n’est peut-être pas la composition originale, dans la mesure où elle réclame un orchestre pléthorique – quatre harpes, au moins douze saxophones. Autant dire que notre perception ne peut de toute façon s’étonner des innovations sonores qui enchantaient les admirateurs de Meyerbeer. Et autant constater que ce que nous voyons n’est pas un « grand spectacle », genre duquel relève le « grand opéra » puisque le mettre en scène fidèlement impliquerait le déploiement de moyens humains et matériels hors de portée des théâtres actuels.

Ceci étant posé, nous sommes sorti satisfait de la représentation, et les clameurs finales qui ont salué la fosse et le plateau prouvaient l’enthousiasme des spectateurs. Premier motif de satisfaction, une exécution musicale qui dès l’ouverture, convainc par sa précision : les couleurs, le modelé, les inflexions,  les échos, les volutes, les contrastes, on ne résiste pas à la séduction. L’admirable est qu’elle va durer sans aucun fléchissement. Nader Abbassi, venu remplacer le chef initialement annoncé dont il a adopté la version, maintient un équilibre quasiment idéal entre la fosse et le plateau et remporte à juste titre un triomphe personnel pour sa direction qui allie le lyrisme et la fermeté. Un pur moment de bonheur : l’interlude au début de l’acte III où l’hommage à Berlioz est rendu avec le raffinement espéré.

Au lever du rideau le décor révèle la salle du Conseil où les grands du royaume de Portugal vont voter en faveur ou non d’une expédition maritime pour connaître le sort de l’explorateur Bartolomé Diaz. Un plafond haut bordé d’une corniche surplombe un vaste espace où deux blocs de sièges bas annoncent les antagonismes. Sur le mur du fond le blason royal se détache en relief. Quelle mouche a donc piqué Katia Duflot pour qu’elle habille Inès et sa suivante Anna en mode « newlook » du début des années 1950 ? Comme toujours avec elle, ces costumes sont très élégants. Passons sur les uniformes des hommes, moins datés à nos yeux, même si anachroniques. Pourquoi avoir choisi ce hiatus ?  Heureusement, le camaïeu des couleurs des saris et des kurtas a un charme qui compense la déception.

Ce dispositif scénique minimaliste, signé Emmanuelle Favre, évolue d’un acte à l’autre à la faveur de précipités. Pour la prison, le plafond s’est abaissé, les sièges ont disparu et le mur du fond est nu, sans ornements. Au troisième acte, la corniche est dans les cintres et le spectateur découvre d’abord une mer étale sous un ciel entièrement dégagé, avant que les vidéos de Camille Lebourges n’ennuagent progressivement le ciel jusqu’au déchaînement de la tempête. C’est spectaculaire, mais on se prend à douter que les assaillants se soient lancés à l’abordage au milieu des flots déchaînés. A l’acte IV un escalier central sert de lien entre le plateau profane et les espaces sacrés invisibles. Au dernier acte, pas de mancenillier mais la mer calmée, l’horizon immobile et dans ce cadre, un cadre où Selika cherche la mort. L’épure est séduisante et suffisante ; à quoi bon y ajouter la projection kitschissime de fleurs ?

© DR

Rien de rédhibitoire en revanche pour les voix. Celles de la maison – à propos, pourquoi un chœur féminin sur les navires de l’expédition royale ? – ont été remarquablement bien préparées par le chevronné Christophe Talmont. Dans leurs brèves interventions, Wilfried Tissot et Jean-Pierre Revest sont justes et bien sonores. Le Grand Inquisiteur de Jean-Vincent Blot a la profondeur abyssale requise même si la projection n’est pas aussi impressionnante qu’on pourrait l’espérer. On aurait aimé que son équivalent chez les fidèles de Brahma, le Grand Prêtre, ait une voix aussi sombre, alors que celle de Cyril Rovery sonne plutôt clair. François Lis campe un père crédible, si soucieux de ne pas déplaire au roi qu’il est prêt à imposer à sa fille un mari qu’elle n’aime pas, dans un mélange d’autorité tempérée par la tendresse. Christophe Berry trouve le ton juste pour Don Alvar, conseiller et courtisan, ferme dans ses convictions mais modéré dans leur expression. On aurait aimé plus d’âpreté dans le timbre de Patrick Bolleire, dans le difficile rôle du Portugais borné, imbu de lui-même et tricheur sans scrupules, mais la musicalité est impeccable comme de coutume. Qualité indéniable à Jérôme Boutillier, dont le Nélusko a la fougue vocale et la tenue scénique nécessaires – remarquable dans la scène du serment – mais qu’on aurait aimé entendre avec une voix plus sombre. Bonne réussite aussi pour le Vasco de Florian Laconi, qui affronte et maîtrise les difficultés vocales avec aplomb et compose avec sobriété un personnage crédible dans ses fluctuations.

Si le personnage d’Anna, la suivante, est très secondaire, on peut compter sur Laurence Janot pour lui donner toute l’épaisseur scénique possible, ce qui supplée à la direction d’acteurs très discrète de Charles Roubaud. Au moins sa mise en scène n’impose pas au spectateur de se mettre martel en tête pour la déchiffrer et lui laisse le soin de réfléchir à la conduite des Européens à l’égard d’être humains qu’à priori ils considèrent comme inférieurs. On a parfois l’impression qu’il lâche la bride : le solo d’Anna, au premier acte, est autant une réponse à Anna qu’une introspection. L’interprète est à l’avant-scène, comme s’immergeant progressivement dans le souvenir qu’elle évoque. C’est simple, efficace, et cela place Hélène Carpentier dans les meilleures conditions. Cela ne suffit peut-être pas à dissiper le trac qui pourrait expliquer un vibratello initial, peu opportun mais rapidement il disparaît et la voix s’élance alors librement et se déploie dans son étendue, comme on l’attend pour cette effusion.

Dans le rôle-titre, Karine Deshayes ajoute un nouveau fleuron à la guirlande de ses rôles. Si quelques graves très poitrinés troublent à son entrée, ils seront les seuls, l’écriture centrale du rôle de Selika favorisant les échappées faciles dans l’aigu qui sont à l’avantage de l’interprète. Il faudrait citer l’air du sommeil, le duo avec Ines, le duo avec Vasco, mais c’est la scène finale qui s’impose, quand, seule en scène, l’artiste cisèle avec la légèreté nécessaire les nuances successives conduisant à la mort de Selika. Une frange du public n’y résiste pas et applaudit avant la mort de la musique, immédiatement suivie d’une tempête d’approbations. Alors, L’Africaine du siècle ? Probablement pas, mais une indéniable réussite lyrique, car l’absence du grandiose met en valeur les scène d’intimité et met en lumière ce qu’ Aida ou Lakmé doivent à L’Africaine.

 

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Opéra en cinq actes (avril 1865, Opéra de Paris)
Musique de Giacomo Meyerbeer
Livret d’Eugène Scribe

Nouvelle production de l’Opéra de Marseille

Détails

Mise en scène
Charles Roubaud

Assistant
Jean-Christophe Mast

Décors
Emmanuelle Favre

Assistante
Anaïs Favre

Costumes
Katia Duflot

Lumières
Jacques Rouveyrollis

Assistante
Jessica Duclos

Vidéos
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Selika
Karine Deshayes

Ines
Hélène Carpentier

Anna
Laurence Janot

Vasco de Gama
Florian Laconi

Nelusko
Jérôme Bouteiller

Don Pedro
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Don Alvar
Christophe Berry

Don Diego
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Le Grand Prêtre de Brahma
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Le Grand Inquisiteur
Jean-Vincent Blot

Un matelot/ Un prêtre/ Un huissier
Wilfried Tissot

Un matelot
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