Le chef d’orchestre baroque Leonardo Garcia Alarcon a eu une idée : convoquer à sa table Monteverdi et Piazolla. Ce sont pour lui deux partenaires naturels : le premier est au centre de son répertoire, le second est le compositeur de son Argentine natale. (On célèbre cette année le centenaire de sa naissance).
A quatre siècles de distance, il les a fait dialoguer.
Qu’avaient-ils à se dire ? Tout ! Tout sur la vie, l’amour, la nuit, la guerre, la mort.
Le résultat ? Un étonnant concert au festival de Saint-Denis, dans l’impressionnante basilique gothique des rois de France. Concert insolite, fascinant, qui faisait alterner sans façon, sans heurt, en toute harmonie, les pièces des deux compositeurs.
Le bandonéon jouait avec la viole de gambe, la guitare électrique avec le cornet à bouquin. Ce mélange de sonorités distantes de plusieurs siècles fut tout à fait réussi.
Les pages d’Orfeo ou du Couronnement de Poppée alternaient avec les airs de Buenos Aires. Les tangos prenaient un air baroque et les madrigaux se mettaient à tanguer. Tout cela fut réjouissant. Qui aurait dit qu’un jour on prendrait plaisir à entendre le « lamento de la Ninfa » accompagné au bandonéon ? Les sanglots du tango répondaient aux lamentos de Monteverdi.
Bien sûr, Leonardo Garcia Alarcon n’avait pas choisi ses morceaux au hasard : leurs caractères et leurs tonalités s’harmonisaient. Et puis, surtout, il disposait d’interprètes de qualité supérieure, exemplaires par leur phrasé et leur musicalité. En premier lieu le bandonéoniste William Sabatier. L’ Oblivion de Piazzola qu’il joua en bis nous tira les larmes. Il y eut aussi deux chanteurs, admirables pour leur phrasé, leur présence scénique, leur engagement émotionnel : la soprano Mariana Flores et le ténor Diego Valentin Flores. Difficile de caractériser leur voix, car ils chantaient au micro. C’est le seul reproche qu’on peut faire à ce concert : qu’il ait été sonorisé. Mais comment faire autrement dans l’immensité de la basilique ?
La leçon de tout cela ? Les musiques sont comme les hommes : elles sont faites pour dialoguer. Les musiques n’ont pas d’âge. Monteverdi est aussi jeune que Piazzola. Bel hommage à l’éternité de la musique !