Créé l’été dernier lors du festival Berlioz de la Côte Saint-André, Hercule, dernier acte (les 12 travaux d’Hercule) trouve dans la Chapelle Corneille de Rouen un lieu approprié à son propos et à son esthétique. L’œuvre se conçoit davantage comme un oratorio contemporain où le chœur et les individus qui s’en détachent (un enfant, une Cassandre, une Grand-Mère etc.) occupent une place prépondérante. Seul le Guide apparait comme un vrai personnage, celui qui créé et fait avancer l’action. Quant à Hercule, sa « voix » s’avère celle du compositeur, digitalisée à la moulinette d’un mauvais lecteur numérique. L’arrivée tant attendue du héros, puisqu’elle intervient à la moitié de l’œuvre, s’en trouve d’autant plus déceptive.
Déceptif également le livret de l’œuvre. Hercule est ardemment rappelé par la foule des hommes et des femmes pour régler les problèmes de notre temps. Las, le héros s’engage à contre-cœur et uniquement pour égrener la liste de ses exploits et son impuissance actuelle. Dans un sursaut final, le chœur décide d’entrer en scène (sic) et de se saisir des affres du monde. Si l’on comprend le propos, qui n’est pas dénué de subtilités dans l’écriture, on regrette un certain nombre de redites qui semblent plus dictées par la composition que par un réel souci dramaturgique.
La composition de Zad Moultaka s’avère riche et ingénieuse. Elle est préenregistrée, de sorte que ses différentes séquences sont déclenchées tel un DJ par le chef d’orchestre au moyen d’un buzzer à côté de son pupitre. Partition collage, les percussions écrasent des mélodies qui évoquent diverses origines, l’Orient bien entendu, la Turquie et ses danseurs quand enfin arrive Hercule. L’écriture vocale s’avère soignée, proche d’œuvres plus anciennes (on pense à Poulenc par moment) et s’incarne principalement dans une rythmique entêtante à la manière d’un chœur antique. Cette forme de continuo s’égaille par brèves touches lors de l’intervention des individus.
Une œuvre exigeante en somme, surement inaboutie dans son propos, mais très bien servie par les interprètes de Musicatreize et la mise en espace surpiquée de vidéos sépias qui vont se colorer au fil de l’œuvre. Roland Hayrabedian guide les chanteurs à travers ce labyrinthe rythmique avec une précision d’orfèvre. Les six chanteurs répartis sur toutes les tessitures sont irréprochables : Emilie Husson distille des aigus brillant, Saskia Salembier apporte un contrepoint soyeux quand Alice Fagard captive par le grain sombre de son timbre. Patrice Balter déclame avec charisme les répliques du guide, cependant que Xavier de Lignerolles (ténor) et Cyrille Gauteau (baryton-basse) héritent de beaux morceaux de bravoure.