Depuis plusieurs années, Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre offrent une tournée de la trilogie Mozart-Da Ponte qu’on aura pu entendre à Bordeaux, Toulouse, Ravenne ou encore Barcelone. Après Versailles en 2017 et 2023, Cosi fan tutte fait escale au Théâtre des Champs-Elysées pour un concert unique. Les musiciens devraient donc être bien rodés mais on aura pu constater quelques cafouillages en début de première partie, peut-être en raison du nouveau dispositif acoustique mis en place pour les concerts, qui vient remplacer l’ancienne conque en place depuis 2005. Les chœurs masculins (réduits à quatre artistes) sont tout à fait satisfaisants, mais on ne peut en dire autant de leurs quatre collègues féminines, bien trop discrètes. On retrouve avec plaisir les caractéristiques du chef français, avec des contrastes étonnants, certains effets inédits, une place particulière accordée aux vents (certains instrumentistes sont d’ailleurs mis en relief comme des solistes) mais aussi quelques lourdeurs. Par ailleurs, les cordes nous ont semblé manquer un peu de richesse et même d’engagement. Les tempi sont globalement vifs (à l’exception du « Per Pietà » sur lequel nous reviendrons) et le chef inspire une véritable théâtralité, avec une légère baisse de tension en fin de seconde partie. Seul nouveau venu de la distribution vocale par rapport à la dernière édition versaillaise, Leon Košavić est un Guglielmo conjuguant aisance vocale et jeu naturel. La voix est chaude et bien projetée, l’aigu clair et sans effort, le grave bien en place. À seulement 33 ans, le baryton croate semblerait même un vieux routier de la scène et on le verrait bien en Danilo, en attendant des rôles plus dramatiques dans quelques années. Un bel artiste, dont on suivra la carrière avec intérêt. James Ley est un Ferrando (heureusement) atypique, à la voix franche et pleine, avec un aigu facile. On regrette toutefois un net manque de legato dans « Un aura amorosa » en raison de ce chant un peu trop en force. « Tradito, schernito » est en revanche parfaitement rendu, avec un vrai engagement et non comme une sorte de complainte supplémentaire. On regrettera une fois de plus la coupure du deuxième air de Ferrando, « Ah ! Lo veggio ». Si le morceau est inaccessible à bon nombre de ténors mozartiens traditionnels, incapables d’en assurer les innombrables si-bémol, on imagine fort bien le chanteur américain relever le défi. Une occasion ratée. Alexandre Duhamel chante Don Alfonso sans en faire des tonnes, apportant du rythme aux ensembles, et en particulier dans les récitatifs. La projection n’est toutefois pas aussi limpide que celle de ses confrères masculin et on note une certaine tendance à détimbrer les notes piano. La composition dramatique est intéressante, rendant bien compte des deux facettes du personnage, à la fois ami et mentor de deux jeunes gens. Angela Brower est un miracle de naturel en Dorabella auquel elle ajoute une voix pleine et pulpeuse à une incarnation idéale. On sera plus réservé sur la Fiordiligi d’Ana Maria Labin au timbre gris et à la projection limitée. Si voix est tout de même assez homogène sur la tessiture (les graves de « Come scoglio » sont bien mieux rendus que par bon nombre de ses consœurs), l’interminable « Per Pietà », pris à un rythme plutôt lent par le chef, est un monument d’ennui, fortuitement égayé par les accidents du cor qui l’accompagne. En Despina, Miriam Albano séduit par une incontestable vis comica, à la fois moderne et juste, mais un peu lassante sur la durée. La voix reste toutefois assez limitée, tant en dimension qu’en richesse de timbre. Ce qui est acceptable au théâtre l’est moins au concert, même avec une mise en espace. Car c’est un peu le problème de cette version : nous assistons en fait à une adaptation d’un ouvrage qui a tourné scéniquement, c’est-à-dire à une version sans mise en scène d’un spectacle qui en avait une. Il ne s’agit pas d’un de ces concerts où, pour une soirée unique, on aura réuni un grand chef, un orchestre et des voix exceptionnelles (et où on aura éventuellement rétabli des pages coupées). Ni pleinement théâtre donc, ni toutefois concert prestigieux, ce Cosi est un objet hybride ne répondant malheureusement à aucun des deux catégories..
MOZART, Così fan tutte — Paris (TCE)
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Note ForumOpera.com
Infos sur l’œuvre
Opera buffa en deux actes
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte
Création à Vienne, Burgtheater, le 26 janvier 1790
Version de concert
Détails
Dorabella
Angela Brower
Fiordiligi
Ana Maria Labin
Guglielmo
Leon Košavić
Ferrando
James Ley
Despina
Miriam Albano
Don Alfonso
Alexandre Duhamel
Les Musiciens du Louvre
Direction musicale
Marc Minkowski
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mardi 24 septembre 2024, 19h30
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Musique de Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo Da Ponte
Création à Vienne, Burgtheater, le 26 janvier 1790
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Fiordiligi
Ana Maria Labin
Guglielmo
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Ferrando
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