C’est un peu le hasard qui m’a conduit samedi soir au Grand Manège à Namur voir la Flûte Enchantée par l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, dirigée par Gabriel Hollander. Monté pour quelques représentations seulement, réparties dans le pays, la production mobilise essentiellement de jeunes chanteurs en début de carrière, à côté de quelques artistes plus aguerris. Dans une ville qui n’a pas de maison d’opéra, une production de ce type fait figure d’événement et la salle était comble.
Parfois, les spectacles un peu moins ambitieux trouvent mieux la vérité d’une œuvre que des productions plus prestigieuses… Ainsi, malgré quelques décalages entre les chanteurs et l’orchestre (celui-ci placé derrière ceux-là, car il n’y a pas de fosse au Grand Manège), l’enthousiasme d’une jeune distribution bien encadrée peut enchanter toute une salle avec peu de moyens : pas de décors, quatre portants et quelques projections suffisent au metteur en scène Eric Gobin pour guider votre imagination jusqu’au pays des songes, la musique de Mozart, qui résiste à tout, fait le reste. Bien sûr, on aurait pu souhaiter un peu plus d’imagination pour la scène du temple, ou pour celle des épreuves du feu et de l’eau, mais dans l’ensemble la vision très cohérente du metteur en scène, grâce aussi à la beauté des éclairages, parvient à s’imposer.
A côté de partenaires encore fort verts, la grande découverte de la soirée fut sans conteste la prestation – éblouissante d’engagement et de virtuosité – de Morgane Heyse en Reine de la Nuit, prometteuse d’un très bel avenir dans le rôle. Ses vocalises sont impeccables de justesse et de précision, la voix est percutante à souhait, parfaite dans cet emploi. Très réussi également, le Papageno de Damien Pass s’attira lui aussi les faveurs du public, par son jeu d’acteur très spontané et une grande intelligence du rôle, faveurs qu’il partagea avec Gianna Cañete Gallo en Pamina, très jolie voix au style parfois discutable.
Le reste de la distribution réunissait Joao Terleira, un jeune Tamino à la voix bien timbrée et puissante, mais encore fort monochrome, Marion Bauwens (Papagena) délicieuse de spontanéité, Shadi Torbey (Sarastro) aux grave impressionnant. Pauline Lebbe, Sonia Jacquelin et Aina Callaert cumulaient dans un genre un peu androgyne les rôles des trois dames et des trois garçons, par souci d’économie certainement. Mathis Van Cleynebreugel campait un Monostatos façon mafioso plus efficace scéniquement que vocalement, Kenny Ferreira et Tom Van Bogaert endossant le costume des deux prêtres.
© Lansbergen Bastien
L’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie, relégué dans le fond de la scène derrière un tulle, peu sonore et peu en contact avec le plateau, a manqué de couleurs, de transparence et de cette petite touche de feinte désinvolture qu’il faut pour faire pétiller la musique de Mozart. Mais l’enthousiasme de la troupe et sa juvénile ardeur, finalement, contribuèrent à sauver la mise.