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MOZART, Les Noces de Figaro – Verbier

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Spectacle
25 juillet 2024
Une version de concert illuminée par l’irrésistible Contessa de Golda Schultz !

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Les Noces de Figaro K. 492
Livret de Lorenzo da Ponte, d’après Beaumarchais

Création à Vienne, au Burgtheater le 1er mai 1786

Détails

Il Conte
Peter Mattei
La Contessa
Golda Schultz
Figaro
Tommaso Barea
Susanna
Anna El-Khashem
Cherubino
Rebecka Wallroth
Marcellina
Kitty Whately
Barbarina
Meigui Zhang
Basilio
Michael Bell
Bartolo
Mark Kurmanbayev
Antonio
Redmond Sanders
Don Curzio
Adam Catangui
Donna 1
Daria Brusova
Donna 2
Luna Seongeun Park
Chœur
Atelier Lyrique de la VF Academy
Continuo et Mise en espace
John Fisher
Verbier Festival Chamber Orchestra
Direction musicale
Gábor Takács-Nagy

Verbier Festival 2024
Salle des Combins
20 juillet 2024, 18h

Tout aura été vif-argent dans ces Noces semi-staged de Verbier et d’abord la direction électrique de Gábor Takács-Nagy à la tête de son Verbier Festival Chamber Orchestra, plus pétaradant que jamais dès l’ouverture, d’une prestesse très virtuose, les bois survolant les frémissements des cordes, et installant d’emblée l’impatience de cette folle journée.

Gábor Takács-Nagy © D.R.

Gábor Takács-Nagy fonda jadis le quatuor qui porte toujours son nom et le chef d’orchestre qu’il est devenu se souvient du premier violon qu’il fut. La silhouette de plus en plus nerveuse et le visage émacié, il indique tout : la moindre impulsion, la plus légère courbe d’une phrase, il bondit sur les accents, mais ce soin du détail, cette direction très épidermique n’induisent aucune sécheresse. Bien au contraire (et on l’entendra ici pendant les airs les plus lyriques de la partition), il sait laisser l’émotion se déployer et les chanteurs prendre le dessus quand le sentiment l’exige.

On sait quel mozartien il est. Preuve en est son intégrale des Concertos pour piano de Mozart avec la Manchester Camerata dont il est le chef principal, en parfaite entente avec Jean-Efflam Bavouzet (chez Chandos), et les fidèles de Verbier l’ont vu élaborer au fil des années avec l’Orchestre de chambre une intégrale fringante des symphonies de Beethoven, qui par chance est maintenant éditée chez DGG.

C’est une gageure bien sûr que de se passer de mise en scène pour un opéra aussi joyeusement théâtral que celui-ci, mais l’enjouement des comédiens-chanteurs y suppléera avec brio. Un fauteuil recouvert d’un drap, un portant d’habits feront office de décors. Le théâtre sera dans le jeu, les mimiques et, dès la première scène entre Suzanne et Figaro, dans la vivacité, la sève, le piqué des récitatifs, en complicité avec le clavecin de John Fisher, responsable aussi de la mise en espace.

Autre défi : l’orchestre est sur la scène, le chef tourne le dos aux chanteurs, qui font du trapèze sans filet… Tout se fait à l’oreille.

Golda Schultz, Peter Mattei, Anna El-Khashem © Nicolas Brodard

Anna El-Khashem est d’emblée à l’aise dans cette configuration, elle qui fut Zerlina il y a deux ans sur la même scène. Elle est familière du rôle de Susanna qu’elle a chanté dans plusieurs productions, notamment à Paris sous la direction de Gustavo Dudamel. Sa Suzanne est toute de vivacité, coquette, fine mouche, très naturelle, comme sa voix de soprano lyrique, très agile et lumineuse ; il faudra attendre le dernier acte et l’aria « Deh vieni non tardar » pour qu’elle donne à entendre des couleurs plus sombres, tenues sous le boisseau jusque là.
Son Figaro nous convaincra moins : Tommaso Barea surjoue quelque peu, s’agite beaucoup, sans pour autant donner le sentiment d’habiter son rôle. Mozart et Da Ponte lui réservent quelques morceaux de bravoure, mais « Se vuol ballare » sonnera assez scolaire et dépourvu d’élan véritable (avec quelques notes piquées superfétatoires), et « Non piu andrai » sans fantaisie ni mordant (mais avec une vocalise ajoutée assez rugueuse).
On ferait un reproche semblable d’ailleurs au Bartolo de Mark Kurmanbayev, un peu étriqué. Si la voix est là, le personnage manque d’ampleur et sa « vendetta » qui devrait fait un effet considérable n’en fait guère.

Tommaso Barea © Nicolas Brodard

Un double de Don Giovanni

Bref c’est avec le drolatique duo de la porte (en l’occurrence sans porte) entre Marzellina (Kitty Whately) et Suzanne que la comédie commencera à prendre, puis avec l’entrée du sincère Chérubin de Rebecka Wallroth, dont le « Non so più », effusif et tendre, sera d’une jolie fraîcheur, et surtout avec l’apparition féline de Peter Mattei : cela tient à peu de chose, à la lenteur de son entrée en scène, à un mélange de présence et de distance, le visage un peu renfrogné, les mains souvent dans les poches, la veste déboutonnée, l’air un peu négligent (puis furibard quand il comprendra qu’on le berne), le jeu minimaliste mais naturel, la haute taille bien sûr qui en impose, mais le personnage est là. Un personnage très semblable d’ailleurs au Don Giovanni qu’il fut ici même il y a deux ans et à peu près dans le même équipage. Son Conte a ce je-ne-sais-quoi de vénéneux dont était largement pourvu son Don Giovanni… et ses apartés frôleurs avec Suzanna font terriblement penser à ceux du burlador avec Zerlina.
Pour ne rien dire de la beauté du timbre, de ses phrasés, du poids juste donné à chaque mot, de sa présence dans les ensembles, ainsi le trio « Cosa sento ! » avec Susanna et l’excellent ténor buffa qu’est Michael Bell (Basilio), d’un ton tellement Mozart par son hésitation entre burlesque et tragique.

Golda Schultz et Peter Mattei © Nicolas Brodard

Schultz en mouvement : une révélation

Autre personnage fascinant, celui que dessine Golda Schultz. C’est la plus inattendue, la plus inhabituelle des Comtesses. Elle pourrait être majestueuse dans sa grande robe verte fleurie comme une prairie au printemps, elle est constamment vive, surprenante, aussi fine mouche et malicieuse que Susanna. On ne la connaissait qu’au disque, la voir sur scène est une révélation. Elle occupe le plateau en conquérante, ses attitudes, chaque geste de ses belles mains si vivantes, chaque déplacement, tout est à la fois net, dessiné, vif et semble impromptu. On est très loin de certaines comtesses évanescentes ou affligées, celle-ci est une Contessa de combat, qui mène la danse.
Si « Porgi amor », sa cavatine d’entrée, semblera un peu tirée, pas aussi homogène qu’on aurait aimé, la voix prendra son envol dès le récitatif qui suivra, pétillant de malice et de naturel. Scène délicieuse sertissant le « Voi che sapete » de Cherubino, pris sur un tempo rapide et traité comme un quintette pour voix et quatuor de bois, flûte, clarinette, hautbois, basson, aussi chantants que Rebecka Wallroth. Tout aussi charmant, le « Venite, inginocchiatevi… » de Susanna, non seulement très spirituel, mais permettant d’entendre à la fois toute l’agilité d’Anna El-Khashem, la richesse du timbre, coloré par l’amusement, le galbe élégant de ses phrasés, de délicieux mini-trilles, des notes piquées, tout cela en situation et bien sûr dans le mouvement.

Peter Mattei, Tommaso Barea, Anna El-Khashem, Golda Schultz © Nicolas Brodard

Incisif

Le mouvement, c’est bien ce qui rend fascinant le finale primo, l’un de ces enchaînements mozartiens virtuoses tricotant duos, trios, petits et grands ensembles dans des changements de tempos constants, le tout appuyé sur un tissu de quiproquos inracontables, de déguisements, de sorties par la fenêtre, etc. Ce qu’on admire ici, c’est la fermeté, l’incisivité de la direction de Gábor Takács-Nagy, la finesse des articulations, les exactes proportions sonores de l’orchestre en formation Mozart, et l’équilibre du casting vocal, la grande voix de Peter Mattei en constituant la colonne vertébrale. Foudroyant de vivacité, le duo Cherubino-Susanna « Aprite, presto… » qui lance le mouvement, et irrésistibles les impulsions, les ponctuations sonores, les brusques ralentissements, les embardées du grand concertato final, merveilleux travail de troupe, un peu funambulesque, en grand danger d’accident (il n’y en aura pas) et d’autant plus éblouissant. Le mécanisme d’horlogerie mis en place par Da Ponte et Mozart emporte les chanteurs et tous les comparses apparaissant tour à tour (et des trompettes et cors qu’on n’avait guère entendus jusqu’ici) jusqu’à l’allegro assai ultime.

Chant profond

Après ces débordements d’énergie, la seconde partie semblera plus introvertie, avec des moments de pure volupté lyrique, ainsi le duo « Crudel ! perché finora » du troisième acte (d’un érotisme vocal troublant, on ne sait qui, de Anna El-Khashem ou de Peter Mattei, l’emporte sur l’autre), ou le récitatif accompagné « Hai già vinto la causa… » dont Mattei fait un numéro d’anthologie par ses phrasés enjôleurs, les silences dont il les interrompt, sa manière de mâcher les mots, avant l’aria di furore « Vedrò mentr’io sospiro » où il ne sacrifie jamais la beauté du son, même au comble de la colère, jusqu’au trille et à la vocalise, très belcantistes, de la fin.

Tommaso Barea, Anna El-Khashem, Petter Mattei, Golda Schultz © Nicolas Brodard

Aussitôt après, Golda Schultz se promènera sur les mêmes sommets. Le récitatif « E Susanna non vien ! » est lui aussi très incarné, constamment animé, en situation (et là encore Gábor Takács-Nagy se cale sur le moindre rallentando et respire à l’unisson) avant un « Dove sono i bei momenti » à la ligne de chant aérienne (reprise au vol par le hautbois), d’une pureté vocale sans faille, la reprise ornée avec délicatesse, avant une strette insurgée, où s’entend la révolte du personnage, sans que jamais la limpidité des notes hautes n’en soit altérée. Du grand art. Et toujours cette présence un peu magnétique qui accroche autant l’œil que l’oreille.

L’ineffable

Si le sextuor de la « reconnaissance » (« Sua madre… suo padre… ») sera évidemment un joli moment de comédie grinçante, d’une ambiguïté toute mozartienne, et le duetto de la lettre « Canzonetta su l’aria » délicieux de complicité féminine, Golda Schultz et Anna El-Khashem entrelaçant leur deux voix, si proches, avec les bois de l’orchestre dans un nouveau moment chambriste, et si l’arietta de Barbarina « L’ho perduta », joyau minuscule, prendra des couleurs presque tragiques portée par le timbre si émouvant de Meigui Zhang, c’est sur l’aria « des marronniers » de Susanna qu’on s’attardera encore, dont Anna El-Khashem fera un moment de grâce absolue : d’abord, d’une douceur ineffable, le récitatif « Giunse alfin il momento », introverti, aux confins du silence, sur un tempo lentissime, presque statique, accompagné à pas de velours par Gábor Takács-Nagy, puis l’aria « Deh vieni non tardar… » aux longues lignes balancées comme des vagues, d’une transparence enivrante, suspendu entre terre et ciel, pure magie, à la fois sensuelle (les notes graves) et éthérée, jusqu’à l’ultime vocalise, délivrée de tout ce qui pèse.

Mozart, en somme !

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Les Noces de Figaro K. 492
Livret de Lorenzo da Ponte, d’après Beaumarchais

Création à Vienne, au Burgtheater le 1er mai 1786

Détails

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Peter Mattei
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Susanna
Anna El-Khashem
Cherubino
Rebecka Wallroth
Marcellina
Kitty Whately
Barbarina
Meigui Zhang
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Antonio
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Adam Catangui
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