Le Festival Radio France Montpellier apporte sa contribution à l’année Massenet en proposant, en partenariat avec le Palazetto Bru Zane, Thérèse, un ouvrage créé en 1907 à l’attention de la contralto Lucy Arbell, dernière muse du compositeur. Rarement jouée, la partition a fait notamment l’objet dans les années 70, d’un enregistrement dirigé par Richard Bonynge, seulement disponible aujourd’hui au sein du coffret « Massenet Edition » paru sous le label Decca.
L’action se situe à la fin du XVIIIe siècle*, pendant la Terreur. Thérèse, épouse du Girondin André Thorel, a jadis aimé d’un amour partagé Armand de Clerval, un noble, ami d’enfance de son mari, que la Révolution a poussé à fuir sa terre natale. Lorsque celui-ci revient dans son château et déclare à Thérèse qu’il l’aime toujours, celle-ci est troublée. Le deuxième acte se déroule à Paris en juin 1793. Les époux Thorel cachent Armand dans leur appartement mais comme la situation devient périlleuse, André lui procure un sauf-conduit afin qu’il puisse passer à l’étranger. Demeuré seul avec Thérèse, Armand lui clame son amour et la supplie de fuir avec lui. La jeune femme est sur le point de céder lorsqu’elle apprend que son mari a été arrêté. Elle presse alors Armand de partir seul non sans lui promettre de le rejoindre dès que possible mais lorsqu’elle voit passer sous ses fenêtres la charrette qui conduit André à l’échafaud elle crie « Vive le roi ! » afin d’être arrêtée à son tour et de mourir avec son époux.
La soirée débute avec l’ouverture de Démophon (1788) de Johann Christoph Vogel, une partition rare et d’une belle facture, parsemées de réminiscences gluckistes, composée précisément à l’époque où se déroule l’opéra qui lui fait suite, offrant ainsi une mise en perspective particulièrement judicieuse.
Pour défendre l’ouvrage de Massenet, Le Festival de Montpellier a convoqué une distribution solide dominée par la Thérèse émouvante de Nora Gubisch. Si la mezzo-soprano ne possède pas tout à fait la tessiture de la créatrice – le grave manque parfois d’ampleur, notamment à la fin du deuxième acte – elle affronte crânement sa partie et offre de cette femme déchirée entre l’amour et le devoir, un portrait saisissant qui culmine dans la scène finale, grandiose. Charles Castronovo en revanche, parait peu concerné par son personnage, en début de soirée. Aucun élan amoureux perceptible lors de ses retrouvailles avec Thérèse, dépourvues de passion, avec de surcroît un aigu un rien engorgé. Fort heureusement, au deuxième acte, il parvient à insuffler à son Armand toute la fougue nécessaire pour faire de son second duo avec l’héroïne, un grand moment de tension dramatique. Dans le rôle du mari, Etienne Dupuis se montre pleinement convaincant. Le baryton québécois possède un timbre clair et homogène, capable de nuances délicates. Sa diction parfaitement intelligible est un régal. Les seconds rôles sont tous bien tenus, mention spéciale à François Lis et Yves Saelens dont les brèves interventions sont tout à fait en situation.
A la tête de l’Orchestre National de Montpellier, Alain Altinoglu offre une direction particulièrement rigoureuse et précise, sachant doser avec bonheur les moment de tendresse, notamment lors des dialogues entre les deux époux, et les grandes envolées dramatiques qui émaillent l’ouvrage. La dernière scène, hallucinante, déclenche une ovation amplement méritée pour le chef et la protagoniste.
Une bien belle soirée qui fera d’ici quelques mois l’objet d’une publication bienvenue en CD.
*Lire à ce propos l’excellent dossier sur Massenet réalisé par Laurent Bury.