Qu’est-ce qu’un spectacle qui se veut un hommage « dégenré » ? Le vilain néologisme est dans l’air du temps, cela est certain. Pour que « Drame ne rime plus avec Dame » (sic), le contre-ténor Théophile Alexandre a entraîné le Quatuor Zaïde dans un projet original qui consiste à inverser les rôles, à remettre en question la vision patriarcale des compositeurs sur leurs héroïnes d’opéra. Au chanteur les airs de ces héroïnes maltraitées pendant quatre siècles par dix-sept compositeurs, aux femmes du quatuor la direction de la musique. Un projet qui se décline en un CD, un beau livre où réfléchissent aux corsets du genre des philosophes et autres personnalités, et donc un spectacle déjà donné en automne 2022 devant la Ministre de l’Egalité & de la Diversité, Isabelle Rome, redonné hier au Trianon (durée : une heure dix après une première partie avec la chanteuse, autrice, compositrice Claire Diterzi).
Le spectacle, structuré en trois actes (No(s) Madones, No(s) Putains, No(s) Sorcières) propose une sorte de nouvel opéra formé d’extraits d’œuvres célèbres du XVIIe au XXe siècle. Grâce aux excellents arrangements d’Eric Mouret, les styles et les époques s’enchaînent plutôt heureusement en une sorte de coulée musicale dont la tonalité choisie facilite les passages. Les nombreux moments purement instrumentaux, fluides, toujours virtuoses, homogénéisent le discours tout en évoquant de façon saisissante certains personnages tels Salomé, Amalia, la Reine de la Nuit ou Dalila, tandis que d’autres sont incarnés par le contre-ténor. Mais les bons sentiments font-ils un bon spectacle ? Cette proposition intéressante montre vite ses limites, malgré une belle mise en scène aux images parfois frappantes, alliant vidéo et mouvements étudiés des artistes particulièrement bien éclairés.
On nous a vanté un chanteur également danseur. Gracieux et très investi, Théophile Alexandre n’a pas cependant tout à fait le niveau espéré ni en danse ni en chant, et ce, malgré une prestation somme toute assez courte. La voix inégale au volume menu, que couvre parfois les quatre instruments (aux couleurs bienvenues), ne passe pas toujours la scène. Le chant n’a pas uniment l’expressivité attendue même dans le répertoire de prédilection d’un contre-ténor. Les registres sont limités, les nuances et contrastes peu saillants, le son et le phrasé pas toujours beaux et assurés, même dans Glück ou Haendel.
La sincérité de Théophile Alexandre, quant à elle, ne fait aucun doute et finit par faire mouche. Elle fait un peu oublier les problèmes de souffle et les emplois parfois erratiques de la voix de fausset, franchement impossible dans d’autres répertoires (Grieg, Tchaïkovsky,…). L’impression qui demeure finalement est celle d’un artiste qui n’a pas peur de montrer sa fragilité, certes émouvante, mais qui n’a pas convaincu malgré le fait qu’il soit très bien entouré.