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OFFENBACH, L’Île de Tulipatan – Paris (salle Rossini)

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Spectacle
14 février 2025
Une île mystérieuse, avec rire garanti

Note ForumOpera.com

4

Infos sur l’œuvre

Opéra-bouffe en un acte, musique de Jacques Offenbach,
livret d’Henri Chivot et Alfred Duru,
créé à Paris (Théâtre des Bouffes-Parisiens du passage Choiseul) le 30 septembre 1868

Détails

Mise en scène
Maxime Petit
Costumes
Hélène Silvie

Cacatois XXII, duc de Tulipatan
Paul Le Calvé
Alexis, son fils (en réalité sa fille)
Audrey Maignan
Romboïdal, grand sénéchal
Thibaud Mercier
Théodorine, épouse de Romboïdal
Solenne de Carné
Hermosa, leur fille (en réalité leur fils)
Thierry Mallet

Orchestre composé de :
Elsa Safavi (violon), Timothé Ioos (alto), Marguerite Zamansky (violoncelle), Alexis Metz-Donnadieu (contrebasse), Johann Rampon (flûte traversière), Florent Fougères (hautbois), Lucas Becirspahic (clarinette) et Céline Cai (piano).

Paris, Salle Rossini (mairie du IXe), mardi 11 février 2025, 19 h 30

« La scène se passe dans l’île de Tulipatan, à 25.000 kilomètres de Nanterre, 473 ans avant l’invention des crachoirs hygiéniques ». Offenbach composait, en règle générale, pour faire rire… et en particulier avec cette Île de Tulipatan. Et grâce à la troupe des Bavards, on se trouve miraculeusement transportés au soir de la première en 1868, dont la presse unanime a souligné la drôlerie en décrivant des spectateurs tordus convulsivement de rire dans leurs fauteuils, pris de fous rires inextinguibles. Le plus étonnant, c’est que cette extraordinaire machine à rire a gardé intacte toute sa force, à condition bien sûr d’être défendue comme ce soir par des valeurs sûres. Car tous les ingrédients sont remarquablement dosés pour que le spectacle soit un délicieux divertissement au premier degré, d’une totale réussite. C’est donc pari gagné.

De fait, L’Île de Tulipatan est une œuvre étonnante à plus d’un titre. « Œuvrette » diront certains du fait de sa durée (une heure) et de ses cinq personnages, elle prend place en 1868 entre Le Château à Toto (6 mai) et La Périchole (6 octobre), en un moment où Offenbach est au sommet de son art mais ne dédaigne pas de continuer à composer des œuvres courtes. C’est qu’il y avait là des choses à dire – les relations hommes-femmes (une fois de plus), et les relations de genre qui font pleurer de rire les enfants (quoi de plus drôle qu’un garçon habillé en fille, l’inverse un peu moins) et rire un peu jaune les adultes.

Il faut convenir que l’histoire, fort déjantée, se prête à tous les délires scéniques. Romboïdal a eu un fils, mais son épouse Théodorine, craignant qu’on ne l’envoie à la guerre quand il sera grand, l’a déclaré comme Hermosa. La « jeune fille », en grandissant, ne rêve que de plaies et bosses, et joue avec fusils et pistolets au lieu de s’adonner à la couture, bref, elle est un « garçon manqué ». De son côté, l’entourage du souverain Cacatois XXII, voulant lui épargner la nouvelle de la naissance d’une énième fille, lui annonce la naissance d’Alexis. Le « jeune homme » passe son temps à rêver et à humer les fleurs comme Ferdinand, le taureau manqué de Walt Disney : à son entrée, il pleure toutes les larmes de son corps car son petit oiseau s’est sauvé de sa cage (allusion freudienne avant la lettre ?) ; bref, il est une « fille manquée ». Or les deux se rencontrent, et tombent amoureux : panique à bord, on leur dit à chacun séparément la vérité afin d’empêcher tout mariage. Mais les jeunes gens, pas si simplets qu’ils n’en ont l’air, prennent les choses en main, si j’ose dire…

L’œuvre est jouée régulièrement à travers le monde, y compris en Allemagne où elle est souvent inutilement gonflée avec des ajouts de chœurs et de figuration, et même aux États-Unis notamment au festival de Crested Butte (Colorado) dans un grand respect de la partition et de la langue française. En France, on retiendra entre 1981 et 1988 les nombreuses représentations données avec un immense succès par la troupe des Musi-comédiens de Maurice Jacquemont, sur une orchestration de Louis Dunoyer de Segonzac, qui contribuèrent à sortir l’œuvre de l’oubli. Celle-ci revient en force au début du XXIe siècle, avec des représentations en 2009 par l’Opéra de Barie, puis avec deux intéressantes productions mettant en scène Flannan Obé en Hermosa (à l’Opéra de Rouen en 2010 et avec la compagnie Les Brigands à Paris en 2012), et enfin celle d’Yves Coudray (créée en 2013 à Étretat, toujours en tournée aujourd’hui). Si l’on ajoute les petites compagnies qui se sont également intéressées à l’œuvre, on se rend compte que cette île mystérieuse continue de faire le bonheur des spectateurs – et de ses interprètes.

© Photos Antoine Montulé / Les Bavards

On n’est donc pas surpris de voir la troupe Les Bavards s’y intéresser à son tour. Cette jeune troupe lyrique de chambre, fondée en 2023, est composée de treize musiciens amateurs (chanteurs et huit instrumentistes) et d’un metteur en scène, qui se sont donné pour objectif de faire vivre la musique lyrique auprès d’un public non-initié, pour leur faire découvrir, ou redécouvrir, des opérettes en un acte du XIXe siècle. Après Le Financier et le Savetier d’Offenbach l’année dernière, ils présentent donc ce soir leur second spectacle, avec tout l’enthousiasme de la jeunesse. Sous des dehors aimables, ce mini opéra-bouffe est en fait une œuvre difficile. Sa partition ne peut souffrir ni défaut de rythme ni déséquilibre, et l’interprétation scénique, basée sur un texte parlé important, doit, elle aussi, être irréprochable. Et puis on y trouve des « tubes » que les connaisseurs attendent avec impatience : « Vive le tintamarre et le bruit », avec ses fameuses imitations d’instruments de musique, le quatuor du canard, l’ensemble des petites cuillères, etc.

Disons-le tout net, ce soir, nous sommes comblés. D’abord, première surprise, là où parfois on doit se contenter d’un piano, on a le plaisir de découvrir huit jeunes musiciens de talent, réunis en une petite formation de chambre faisant sonner avec humour la partition d’Offenbach, sans pour autant sacrifier à des tempi plus que soutenus, et tout cela sans la présence d’un chef traditionnel… Sur scène, le même soin est perceptible. La mise en scène de Maxime Petit, égayée par les amusants costumes d’Hélène Silvie, se contente d’un cadre minimaliste, un guéridon et deux fauteuils de jardin, qui permettent quelques temps de pause dans une action endiablée. Car tout l’effort est mis sur une excellente direction des acteurs-chanteurs qui sont donc en règle générale à l’avant-scène, ce qui leur permet un contact plus direct avec le public. Tous très habitués à la scène (la plupart viennent de la troupe Oya Kephale), ils ont de fortes personnalités, parfaitement adaptées à chacun des rôles, et sont de plus tous d’excellents acteurs. Les textes sont donc dits avec une grande justesse, et parfaitement intelligibles : ici pas besoin de surtitrage ! 

Dans les pas de Félicia Thierret, la créatrice du rôle, qui faisait s’esclaffer la salle avant même que d’ouvrir la bouche, Solenne de Carné joue une Théodorine étonnante de justesse et de drôlerie, championne du non-sens et du pince-sans-rire, toute de non-dits et de velléités retenues culminant dans l’ensemble des petites cuillères (qui annonce le gril de Pomme d’Api). Aussi à l’aise en déclamation qu’en chant, elle distille son texte avec un art confondant de la mimique esquissée. Sa fille Hermosa, au contraire totalement extravertie, apparaît sous la haute stature de Thierry Mallet (qui fut chez Oya Kephale un excellent Falsacappa). La voix est belle, la diction parfaite, il a totalement intégré ce rôle en or, avec ses moments irrésistibles. Bien sûr il ne fait qu’une bouchée des airs guerriers d’Hermosa, mais il y place des postures, des intonations, des intentions parfaitement en situation. Et il n’est que de citer ses irrésistibles « J’aime ça » lancés avec gourmandise vers le public pour comprendre qu’il n’a aucun mal à mettre la salle dans sa poche. 

À leur côté, Paul Le Calvé est un Cacatois sonore et bien présent, perdu dans toute cette agitation où il essaie sans cesse de reprendre la main, jusqu’à son célèbre compte des enfants qui avait fait s’étouffer de rire les spectateurs du Second Empire. Thibaud Mercier est également un excellent Romboïdal, dominant sa femme d’une tête mais clairement dominé par elle. Enfin Audrey Maignan est un attachant prince Alexis, avec une voix qui se corse au fil des ans, ce qui la rend bien assortie à celle d’Hermosa. Il conviendrait toutefois de l’alléger au maximum pour son air d’entrée afin de mieux mettre en place le personnage.

Tout cela constitue un beau travail de troupe, avec un bel équilibre orchestre-plateau, bref, à déguster sans modération.

Prochaines représentations les 15, 18 et 21 février 2025 Compagnie Les Bavards

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Opéra-bouffe en un acte, musique de Jacques Offenbach,
livret d’Henri Chivot et Alfred Duru,
créé à Paris (Théâtre des Bouffes-Parisiens du passage Choiseul) le 30 septembre 1868

Détails

Mise en scène
Maxime Petit
Costumes
Hélène Silvie

Cacatois XXII, duc de Tulipatan
Paul Le Calvé
Alexis, son fils (en réalité sa fille)
Audrey Maignan
Romboïdal, grand sénéchal
Thibaud Mercier
Théodorine, épouse de Romboïdal
Solenne de Carné
Hermosa, leur fille (en réalité leur fils)
Thierry Mallet

Orchestre composé de :
Elsa Safavi (violon), Timothé Ioos (alto), Marguerite Zamansky (violoncelle), Alexis Metz-Donnadieu (contrebasse), Johann Rampon (flûte traversière), Florent Fougères (hautbois), Lucas Becirspahic (clarinette) et Céline Cai (piano).

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