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OLIVARES, Les Sentinelles – Paris (Opéra-Comique)

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Spectacle
11 avril 2025
Un beau trio féminin

Note ForumOpera.com

3

Infos sur l’œuvre

Opéra en deux actes pour trois chanteuses et une comédienne
Musique de Clara Olivares, livret de Chloé Lechat
Création mondiale le 10 novembre 2024 au Grand Théâtre de Bordeaux

Détails

Mise en scène

Chloé Lechat

Scénographie

Céleste Langrée

Costumes

Sylvie Martin-Hyszka

Lumières

Philippe Berthomé

Vidéo

Anatole Levilain-Clément

Assistante à la mise en scène

Joséphine Kirch

Cheffe de chant

Edwige Herchenroder

Coordinatrice d’intimité

Stéphanie Breton

A
Anne-Catherine Gillet
B
Sylvie Brunet-Grupposo
C
Camille Schnoor
E
Noémie Develay-Ressiguier

Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Direction musicale
Lucie Leguay

Paris, Théâtre national de l’Opéra-Comique, jeudi 10 avril 2025, 20h

Production de l’Opéra national de Bordeaux, en coproduction avec l’Opéra-Comique et l’Opéra de Limoges

Né de la rencontre à Aix en 2019 de la compositrice Clara Olivares et de la librettiste Chloé Lechat, l’opéra Les Sentinelles est donné cette fin de semaine à l’Opéra-Comique, après avoir été créé à Bordeaux en novembre dernier. La vénérable salle Favart se fait une spécialité depuis plusieurs saisons d’accueillir les créations mondiales ou parisiennes, ce qui mérite d’être chaudement salué, d’autant que la prise de risque commerciale n’est pas négligeable. C’est donc avec curiosité et enthousiasme que le public, certes peu nombreux, a pris place jeudi soir pour assister à un opéra au programme stimulant : une œuvre de femmes sur des femmes, dont la mise en scène repose sur un principe « zéro achat » aussi écologique qu’économique.

Le livret décrit le lent délitement mortifère de toutes les relations entre les personnages, qu’elles soient amoureuses ou familiales. Le couple de B et C vacille : B, une architecte d’intérieur un peu plus âgée que sa comédienne de femme, ne semble plus lui inspirer qu’un ennui profond. Dans l’appartement mitoyen, A est une libraire esseulée qui tente tant bien que mal d’élever E, sa fille surdouée et inadaptée, obsédée par l’étude des animaux et suivie de longue date par des pédopsychiatres. Une passion éphémère enflamme A et C, qui convainquent B de s’installer à trois, mais le projet ne satisfait personne. De plus en plus isolée, bourrée de médicaments qui n’apaisent pas son mal, E finit par se donner la mort en coulisses le soir de l’anniversaire de B.

On voit que l’absence d’une partenaire viable pour A (ce « D » qui fait défaut dans la liste des personnages) provoque un déséquilibre qui pose la question du partage de l’attention et de l’amour, ou plutôt de la possibilité de ce partage au sein d’un trouple d’une part, dans le cœur d’une mère qui est aussi une amante d’autre part. Cette histoire, dominée par des thèmes résolument contemporains, n’est pas dénuée d’ingrédients dramatiques, à commencer par un triangle amoureux qui rend tout le monde malheureux et finit par peser surtout sur une enfant innocente. Le livret que Chloé Lechat en tire ne convainc qu’à-demi, notamment en raison d’une juxtaposition des tableaux sans vraie progression qui n’est pas toujours efficace pour construire la tension et expliquer les revirements psychologiques des personnages. Cette subtilité fait en partie défaut dans l’écriture du personnage de l’enfant, dont les séances chez le psy donnent lieu à de longues analogies entre les méandres des couples humains et la perfection des couples de pigeons ou de cygnes, et dont le suicide final est annoncé à de multiples reprises. Les scènes entre les adultes se rapprochent par leur écriture du théâtre de Nathalie Sarraute, avec une langue littéraire travaillée mais simple, qui recourt souvent aux mots tout faits, à la répétition avec de minimes variations ou aux phrases interrompues. Cela donne lieu à des moments plus réussis, où une vraie synergie s’établit avec la musique, notamment dans le monologue de A dans le deuxième acte ou dans la dernière saillie désabusée de B, qui n’est pas dupe face aux déclarations d’amour de C (« Elle dit « je t’aime », car c’est plus court que « je ne t’aime plus » »).

© S. Brion

La partition de Clara Olivares, résolument tournée vers la musique minimaliste et répétitive, connaît de beaux moments d’inspiration, comme la lecture de la lettre d’amour de C à A au premier acte ou le monologue de A dans le deuxième acte. La musique convainc surtout dans les passages chantés, où son caractère minimaliste mais plein de tension soutient avec justesse le Sprechgesang des interprètes, en accompagnant parfois la voix sur quelques notes du son d’une harpe ou d’une flûte. D’autres passages n’évitent pas des longueurs, et la musique se fait plus incidentelle (c’est particulièrement frappant lors des séquences vidéo ou des changements de décor). Elle se concentre sur les jeux de masses et de vagues sonores, avec un recours récurrent aux sons plutôt qu’aux notes (les cordes jouant col legno par exemple) et avec une utilisation abondante des percussions.

Comme à Bordeaux finalement, c’est le trio vocal qui fait l’intérêt premier de la soirée. Anne-Catherine Gillet fait une bouchée du rôle de A, qui n’est pas le plus difficile de son répertoire mais qui épouse parfaitement les contours de sa voix, aux aigus faciles d’un beau métal. À cela s’ajoute un vrai engagement scénique qui fait beaucoup pour la crédibilité du personnage (celui qui nous plaît le plus), touchant dans sa perte de repères, tragique dans son échec total à tenir ensemble ses aspirations et ses désirs. Camille Schnoor prête à C sa voix plus dramatique et ample et sa nonchalance érotique qui habille ce personnage d’un égoïsme ravageur (y compris pour elle-même). Sylvie Brunet-Grupposo, certes sous-employée au regard de son talent de musicienne, campe une B à la fois désespérée et lâche, qui ne semble jamais croire au ménage à trois mais couve E d’une tendresse émouvante. Les trois voix se marient magnifiquement dans quelques mesures a cappella, si bien qu’on regrette que le procédé n’ait pas été retenu plus souvent. Le rôle de l’enfant est tenu par la talentueuse Noémie Develay-Ressiguier, qui, sans les ressources du chant, parvient à tenir tête au reste du plateau. Notons pour les quatre interprètes une attention sans faille à la diction.

La direction de Lucie Leguay se signale surtout par une grande précision, à laquelle la partition la restreint largement (il faut assurer la synchronisation entre la fosse et le dessin animé, le chant, la déclamation).

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Opéra en deux actes pour trois chanteuses et une comédienne
Musique de Clara Olivares, livret de Chloé Lechat
Création mondiale le 10 novembre 2024 au Grand Théâtre de Bordeaux

Détails

Mise en scène

Chloé Lechat

Scénographie

Céleste Langrée

Costumes

Sylvie Martin-Hyszka

Lumières

Philippe Berthomé

Vidéo

Anatole Levilain-Clément

Assistante à la mise en scène

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Stéphanie Breton

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Anne-Catherine Gillet
B
Sylvie Brunet-Grupposo
C
Camille Schnoor
E
Noémie Develay-Ressiguier

Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Direction musicale
Lucie Leguay

Paris, Théâtre national de l’Opéra-Comique, jeudi 10 avril 2025, 20h

Production de l’Opéra national de Bordeaux, en coproduction avec l’Opéra-Comique et l’Opéra de Limoges

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