Un double changement de distribution aurait pu faire craindre pour la qualité de cet Orlando – Franco Fagioli puis Luca Pisaroni ayant renoncé à ce concert. Mais étant remplacés, respectivement, par Christophe Dumaux et John Chest, les inquiétudes n’avaient pas lieu d’être.
Le jeune baryton américain, encore peu connu du public français, est un Zoroastre de choix : le timbre est sombre, bien projeté sur l’ensemble de la tessiture, et l’aigu éclatant ; ajoutez à cela une indéniable autorité scénique et vous avez un personnage qui tire parti de chacune de ses interventions, même si elles sont assez brèves.
Le triangle amoureux qui se noue au sein de cet opéra est interprété, selon le souhait du compositeur, par trois voix de femmes. Nuria Rial est une très belle Dorinda, fort sage, au timbre pur et à l’ornementation élégante, mais qui aurait mérité davantage de caractère, ou du moins un contraste plus grand entre les différents sentiments qui l’animent. Delphine Galou quant à elle campe un Medoro un peu en retrait vocalement par rapport à ses collègues : la voix manquant d’éclat et d’épaisseur, elle donne peu d’impact au personnage qui n’a pas la vaillance qu’on aurait pu attendre. C’est dommage car elle a face à elle une Angelica incandescente, interprétée par Kathryn Lewek : certes la voix pourrait être parfois plus brillante, mais quelles nuances, quelles lignes, et quel engagement scénique !
Malgré toutes ces qualités, c’est bien l’Orlando de Christophe Dumaux qui domine la soirée, s’emparant avec une aisance évidente d’un rôle qu’Haendel a tout particulièrement soigné, tant musicalement que dramatiquement. La voix est centrée, les vocalises d’une rapidité et d’une netteté impeccables, l’aigu percutant et le souffle démesuré : il n’est pas une difficulté technique qui lui résiste, et le contre-ténor y ajoute de remarquables ornements. Mais Christophe Dumaux incarne aussi pleinement le héros en dépit des contraintes du concert – et du pupitre : belliqueux, cynique et menaçant jusqu’à la folie.
Les chanteurs partagent la scène avec l’ensemble Il Pomo d’Oro, particulièrement familier de ce répertoire et dirigé par Francesco Corti. Si l’orchestre peut sembler, durant les premières minutes, un peu écrasant, le chef parvient rapidement à rétablir l’équilibre avec les solistes et à dessiner davantage les lignes. On aurait peut-être pu espérer encore plus de nuances, mais les musiciens sont un réel soutien pour les chanteurs et l’action, notamment grâce à un continuo d’une vivacité très appréciable : Orlando a donc eu tout loisir d’être furieux.