Paulus, premier oratorio de Mendelssohn, est rarement joué. L’œuvre vit dans l’ombre d’Elias. On se faisait donc une fête de l’entendre, surtout que c’est Hervé Niquet qui devait la diriger, à la tête du Brussels Philharmonic, ensemble avec lequel il a signé des disques mémorables. L’affiche complétait notre enthousiasme avec le chœur de la radio flamande et de jeunes chanteurs formés à la prestigieuse Chapelle musicale Reine Elizabeth. Las, les lois d’airain de la nature en ont décidé autrement, et un frisson de malaise a parcouru l’assemblée lorsqu’on a annoncé la défection du chef français. Son remplaçant, dont on a à peine compris le nom, a alors fait son entrée d’un pas décidé, avec la mine de celui qui a résolu d’en découdre. Après quelques mesures dirigées d’une main ferme et souple, on a compris que Arvo Volmer (un nom totalement inconnu jusqu’ici) serait le sauveur de la soirée. L’Estonien irradie une assurance tranquille et une connaissance parfaite de la partition. Au pied levé, il parvient à tenir ensemble tous les aspects de l’œuvre, de son doux mysticisme à ses moments dramatiques, en passant par des fugues qui comptent parmi les plus virtuoses du répertoire choral. Rassurés par une battue claire et élégante, les chœurs (pléthoriques, plus de 80 chanteurs !) et l’orchestre suivent comme un seul homme, et font résonner Paulus dans l’acoustique idéale de Flagey. On avoue avoir des difficultés à comprendre pourquoi les organisateurs de concert privilégient le palais des Beaux-Arts dans ce type de répertoire, alors que le Studio 4 offre un écrin de rêve à l’oratorio : un son chaud, enveloppant, détaillé, qui place l’auditeur au cœur de l’œuvre sans jamais le noyer sous les décibels. Rien n’est dur, même dans les tutti les plus passionnés.
Les quatre solistes entendus ce samedi sont inégaux. La basse Charles Dekeyser impressionne par sa puissance et sa netteté, avec un timbre sépulcral qui le promet d’ores et déjà au rôle de Sarastro. L’alto Sarah Laulan nous gratifie d’un timbre pulpeux et séducteur, qui fait regretter la brièveté des interventions accordées par Mendelssohn. Le ténor Yu Shao, s’il a une sonorité angélique, manque de puissance, et la soprano Eva Ganizate semble intimidée par les circonstances, ce qui a pour effet de rendre son chant par moments ingrat. Mais ce ne sont là que peccadilles face à une réussite d’ensemble incontestable, et le concert clôturait en beauté un festival de plusieurs jours consacré à Schubert, Schumann et Mendelssohn. A quand Elias, par la même équipe ?