Dernière œuvre de Gioachino Rossini la Petite Messe solennelle a toujours posé des problèmes à ses exécutants. Le premier étant de savoir quelle version retenir : l’originelle, créée le 14 mars 1864, écrite pour 4 solistes, 8 choristes, deux pianos et un harmonium, ou celle présentée ce soir, pour grand chœur et grand orchestre (et jamais jouée du vivant de Rossini) ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que, par son épure et ses sonorités inhabituelles, la version initiale peut sembler plus innovante alors qu’une orchestration opulente rend la Petite Messe… grande..
L’interprétation qui en est donnée par Paolo Carignani n’essaie jamais d’en masquer le caractère quasi opératique. Il fouette l’orchestre, le fait gronder parfaitement, secondé dans cette optique par un orchestre de Bologne électrisé et un chœur d’une grande homogénéité. Le résultat est rutilant, mais on recherche désespérément un quelconque souffle mystique dans cette vision grandiose.
Le quatuor de solistes de grande qualité surnage plutôt bien. On se permettra cependant d’exprimer deux réserves quant au choix de la distribution.,D’abord pourquoi avoir choisi deux mezzos pour tenir les parties destinées respectivement au soprano et au contralto ? Certes la tessiture de la partie soprano n’est pas vertigineuse, et ne met que rarement Kate Aldrich en difficulté – à l’exception de quelques aigus un peu tendus, signe d’une certaine fatigue en cette fin de festival – mais les deux timbres, très semblables dans leurs couleurs, peinent à se différencier, notamment dans le « Qui tollis ».
Ensuite, les sonorités des artistes réunis ce soir sont très contrastées, ce qui a parfois tendance à déséquilibrer les ensembles : ainsi, à un Francesco Meli, impérieux, à la voix puissante et radieuse (appelée à s’épanouir encore davantage dans d’autres répertoires), répond une Anna Bonitatibus à la projection plus confidentielle (elle s’est particulièrement distinguée dans le répertoire baroque), qui lui vaudra quelques huées à l’issue de l’ « Agnus Dei ». C’est pourtant la mezzo italienne – ainsi que, dans une moindre mesure, Mirco Palazzi, basse au timbre agréablement jeune, jamais forcé ni noirci artificiellement – qui nous aura permis, par son chant clair et nuancé, de nous élever quelques instants, et de ressentir la ferveur qui aurait pu baigner toute la soirée.
On aura donc entendu une belle version monumentale du dernier ouvrage du maître des lieux… Sans pouvoir s’empêcher de s’interroger tout au long de la soirée sur notre acception du terme « Petite ». A quand une vraie Petite Messe intimiste à Pesaro ?