Synthèse d’une vie qui ne s’arrêta pas avec Guillaume Tell, vingt-trois ans après le Stabat mater, la Petite messe solennelle est rarement donnée, malgré une forte présence au disque. A la confluence des courants qui traversent la musique catholique de son temps, on y trouve des numéros à caractère lyrique, dans le droit fil de Donizetti, contrastant avec des pièces d’écriture palestrinienne, a cappella, sans parler du contrepoint, le tout avec des parties qui font la part belle aux solistes , dans le droit fil du bel canto. Ajoutez-y un chœur, un piano et un harmonium et les ingrédients sont réunis pour une dégustation dont on sait que le maître était gourmand. On mesure également l’humour de Rossini qualifiant sa messe de « petite » malgré sa durée (plus d’une heure quarante-cinq) et l’écriture très soignée, aux savantes fugues et aux harmonies audacieuses.
C’est donc cette version originale qui nous est proposée par le chœur de l’Opéra de Dijon, en pleine forme pour sa rentrée. Anass Ismat, qui le dirige, fait le choix d’une lecture intime, délicate, recueillie mais puissante, sans jamais donner dans un excès opératique, à rebours de certaines versions célèbres. Dès l’introduction du Kyrie, où l’ostinato de piano peut être joué avec une tension grave aussi bien que dansant avec légèreté, le ton est donné : nous ne sommes pas à l’opéra. L’entrée du chœur le confirme, dont la palette de nuances ira du quadruple piano au fortissimo, c’est le texte sacré qui gouverne. Le Christe, a cappella, alla Palestrina, est un moment de recueillement d’une grande beauté. L’ample Gloria permet à chacun des solistes d’intervenir seul, en duo ou en trio. Le Domine Deus, confirme les qualités de Yu Chen, splendide ténor, toujours juste dans son expression, brillante mais jamais triviale. Rafael Galaz, baryton-basse prometteur au timbre flatteur, nous vaut un grand Gratias. La première partie culmine avec le monumental et jubilatoire Cum sancto spiritu, où le chœur et les solistes sont véritablement portés par le chant : la conduite, les phrasés de chacune des parties, le modelé sont admirables. Après le Credo, c’est au tour d’Aurélie Marjot de nous émouvoir dans le Crucifixus. Pleinement épanouie, égale dans tous les registres, avec de belles couleurs, elle nous ravit plus tard dans l’ O salutaris hostia . Entre temps, le remarquable Preludio religioso, confié au seul piano, suffirait à démontrer combien Rossini avait assimilé Bach et combien il pouvait s’en affranchir. Le Sanctus, a cappella, n’est pas moins beau. L’Agnus Dei conclusif est illustré par la voix que Rossini chérissait, l’alto. Delphine Ribemont-Lambert lui prête son beau timbre et une ligne de chant d’un soutien remarquable. Nicolas Chaisneau au piano, et Maurizio Prosperi à l’orgue font mieux que remplir leur contrat : leurs parties, essentielles, sont jouées avec une qualité de toucher peu commune. La direction efficace et sobre d’Anass Ismat confère à l’ensemble une dynamique, une précision, une qualité d’émission qui forcent l’admiration.