La Fanciulla del West brille davantage par son livret (certains y voient le précurseur des western-spaghetti) que par sa musique, c’est entendu : rien ne reste vraiment dans l’oreille, même si les interventions des mineurs ou la fin de l’acte II font toujours leur petit effet. On s’étonnera donc que l’équipe musicale réunie ce soir soit plus remarquable que la mise en scène. Andreas Dresen transpose l’action à l’époque contemporaine, classique. Le rideau s’ouvre devant un mur surmonté de barbelés, et le bar de Minnie se résume à un comptoir, quelques chaises et une table, espace auquel on accède par une passerelle qui vient du fond de scène. Tout est noir, ou presque. On se croit chez Lilas Pastia après l’apocalypse. La cabane de Minnie à l’acte II en est bien une, isolée et entourée d’un paysage sombre où la neige tombe abondamment. Le dernier acte se déroule au pied d’un poteau téléphérique, et voit la ligne de crête des montagnes se refermer avec la fuite des amants. On aurait voulu faire du néo-académisme que l’on ne s’y serait pas mieux pris. La transposition n’apporte pas grand-chose et la direction d’acteurs est la même que si on avait situé le drame dans son contexte initial. Pour traditionnelle qu’elle soit, cette dernière est néanmoins ce qui fait le prix de la production : les déplacements, les attitudes des chanteurs sont réglés avec précision et pertinence, sans renoncer à leur vivacité (la scène du tricheur superbement chorégraphiée).
Il faut dire que les protagonistes ne ménagent pas leur peine pour incarner leur personnage. A commencer par les seconds rôles, tous très vivants (même si on aurait aimé un Ashby plus sonore). Malgré des limites évidentes dans l’aigu et un medium pas assez puissant, le naturel et la force de caractérisation de la Minnie de Malin Byström sont très convaincants. Son Johson d’amant est plus performant qu’émouvant : Yonghoon Lee porte une telle attention à sa projection, quitte à forcer ses moyens, tout en restant si carré qu’il en néglige nuances et psychologie. L’exact inverse du vilain shérif de Michael Volle : annoncé blessé au pied, on n’a remarqué son handicap qu’au moment des saluts. Sur le plateau, ce Rance est à la fois le mieux chantant et le plus éclatant, vivant jusque dans ses silences.
Même s’ils sont moins précis en italien qu’en allemand, le chœur de l’opéra de Munich souligne une fois encore leur attachement au jeu, tandis que l’orchestre dirigé par Juraj Valcuha apporte un excellent soutien à ce bouillonnement scénique bien réglé.