Créée le 31 décembre 2017 et retransmise dans les cinéma dès le 27 janvier suivant, la production de Tosca signée David McVicar avait marqué un retour à la tradition voulu par la direction du Met après l’échec du spectacle imaginé par Luc Bondy qui avait scandalisé une partie non négligeable du public, nostalgique des mises en scène de Franco Zeffirelli. De fait, les décors et les costumes somptueux de John Macfarlane ne sont pas sans rappeler ceux des œuvres du réalisateur italien. Au premier acte, le rideau s’ouvre sur une réplique monumentale de l’église Sant’Andrea della Valle chaleureusement applaudie par les spectateurs. A l’acte suivant, le bureau de Scarpia est éclairé par un grand feu de cheminée qui crée une atmosphère étouffante en jetant sur les murs des lueurs rougeâtre. Enfin au trois, une statue gigantesque de l’archange Gabriel qui se détache sur un ciel tourmenté domine le plateau. La direction d’acteurs, pour efficace qu’elle soit, n’offre pas la moindre originalité et l’on n’a même pas tenté de l’adapter aux nouveaux protagonistes. Il aurait pourtant été facile à l’aide de quelques artifices d’atténuer la différence de taille entre le ténor et la soprano qui dépasse son partenaire de plus d’une tête.
Durant l’entracte un petit film instructif, truffé d’archives d’époque, sur les relations entre Puccini et le Met a été projeté.
La distribution, comme souvent au Met est d’un très haut niveau jusque dans les plus petits rôles, tel celui du berger dont la pastourelle est chantée avec justesse et clarté par le jeune Luka Zylic. Tony Stevenson et Christopher Job, sont inquiétants à souhait en sbires de Scarpia. Kevin Short possède une voix sonore et bien projetée mais scéniquement on a du mal à imaginer que ce baryton à la carrure imposante sorte de prison, épuisé et affamé. Patrick Carfizzi, impayable Melitone la saison dernière dans La Force du destin, campe un sacristain truculent et drôle. Quinn Kelsey est un Scarpia proche de l’idéal, notamment au deuxième acte au cours duquel il évite soigneusement de sombrer dans la caricature du jouisseur libidineux mais conserve, jusque dans l’ignominie, une certaine dignité propre à son rang. Freddy De Tommaso effectue des débuts on ne peut plus prometteurs sur la scène du Met. Le timbre est séduisant, la quinte aiguë est d’une solidité et d’une insolence désarmantes. Le si aigu dans la phrase « La vita mi costasse, vi salvero’ » est émis sans difficulté et le si bémol des « Vittoria, vittoria ! », longuement tenu, lui vaut une belle ovation. On pourrait cependant lui reprocher de chanter presque constamment en force, surtout au premier acte, sans doute pour ne pas être couvert par sa partenaire. Fort heureusement, quelques nuances bienvenues parsèment sa ligne de chant au trois où il nous livre un « E lucevan le stelle » particulièrement émouvant qui met en valeur son legato et la longueur de son souffle. Enfin, Lise Davidsen, nouvelle coqueluche du Met dont la seule présence a justifié sans doute cette retransmission, ne parvient pas à rendre pleinement justice à son personnage. Cette voix qui s’épanouit admirablement chez Wagner ou Richard Strauss, qui a livré une Leonora mémorable dans La Force du destin la saison passée, trouve ici sa pierre d’achoppement. Les moyens ne sont pas en cause, le timbre est magnifique, le volume vocal est impressionnant mais non dénué d’une certaine froideur. Cette Tosca manque cruellement de sensualité et de passion au premier acte, notamment dans l’air « Non la sospiri la nostra casetta » et demeure quasi impavide face aux menaces de Scarpia au deuxième. Seule sa prière, délicatement nuancée, est chargée d’émotion. Enfin, son troisième acte, touchant de bout en bout, finit par emporter l’adhésion. Au rideau final, elle sera saluée par une ovation unanime, provoquée sans doute par l’impact de son immense voix dans la salle, peu perceptible au cinéma. Belle prestation des chœurs préparés par leur nouveau chef, Tilman Michael, à qui l’on doit un Te Deum grandiose au premier acte.
A la tête d’un Orchestre du Met somptueux dont admire les cordes soyeuses et chatoyantes ainsi que les vent rutilants, Yannick Nézet-Séguin propose une direction extrêmement fouillée et énergique dès les premiers accords qui résonnent avec puissance.
Le samedi 25 janvier, le Metropolitan Opera retransmettra dans les cinémas du réseau Pathé Live une nouvelle production d’Aïda avec Angel Blue dans le rôle-titre.