Après Nancy, Toulon, Angers et Nantes, la production de Silvia Paoli de Tosca trouve une dernière escale à Rennes, où comme chaque année – en dehors de la pandémie – une diffusion simultanée est prévue sur la place de la Mairie tout comme devant le théâtre Graslin à une centaine de kilomètres de là. Cette dixième édition confirme le succès populaire de l’opération. Devant le théâtre, le public se masse devant l’écran géant qui masque la façade de la Mairie. Certains sont organisés et viennent munis de chaises pliables et de victuailles. A l’entracte, Matthieu Rietzler, le directeur de l’Opéra de Rennes ou encore Marc Scoffoni (le Sacristain) viennent parler de l’œuvre. Des extraits d’archive (un témoignage de Montserrat Caballé par exemple) enrichissent l’expérience musicale. Sitôt les saluts terminés en salle, les solistes iront dans le foyer de l’opéra qui domine la place même pour saluer cet autre public qui leur réserve un très chaleureux accueil.
Si l’on rejoint nos confrères sur la qualité minimaliste et resserrée de la production, offrant une direction d’acteur soutenue et une lisibilité de chaque instant, on sera plus perplexe sur le tableau vivant qui conclut premier acte. Puisqu’il s’agit d’une épure, quel besoin de reproduire cette crucifixion présente dans l’église romaine, surtout dans une scène de « Te deum » organisée pour célébrer une victoire militaire ? Le procédé, hyperréaliste au point de virer au péplum, jure avec les traits en noir et blanc proposés auparavant et pendant tous les actes suivants, et qui donnent une force esthétique et tragique à la proposition. Le troisième acte, loin du toit du Château Saint Ange, alterne élégamment entre l’enferment de Mario dans une cellule immaculée et une scène ouverte sur de beaux éclairages d’aurore pour s’achever sur un monceau d’ossements tout approprié.
On sent aussi que Silvia Paoli, actrice de formation, accompagne ses chanteurs à chaque instant. Ainsi, Myrto Papatanasiu, dont le jeu caricatural nous avait parfois gêné à Bruxelles, propose ici une Floria dont les émotions se lisent sur le visage ou dans des postures simples et tenues. Le soprano y gagne aussi en justesse interprétative même si la voix nous a paru moins fraiche qu’en Belgique, l’aigu s’avérant tiré à quelques reprises. Andeka Gorrotxategi propose un Cavaradossi robuste tout au long de la soirée auquel on reprochera uniquement quelques attaques par en-dessous peu élégantes dans une ligne par ailleurs soignée. Stefano Meo campe un Scarpia sadique au chant coloré auquel il manque un soupçon de puissance. Les seconds rôles participent au même niveau de la réussite et de la qualité globale de la distribution. Les chœurs d’Angers-Nantes Opéra achèvent une année fournie (ils complétaient les effectifs du Lohengrin à Strasbourg) sur une très belle performance.
Jeune baguette montante de la scène lyrique, Clelia Cafiero s’attaque ici à son premier Puccini en tant que cheffe d’orchestre. Elle en possède déjà le sens dramatique et narratif et sait, elle aussi, mettre son plateau dans le confort nécessaire. La réduction orchestrale choisie limite cependant les possibilités de palette tonales et l’Orchestre des Pays de la Loire nous a paru plus sec qu’en d’autres occasions. Ces quelques réserves ne doivent pas détourner d’un succès scénique global et de représentations qui auront fait le plein dans le théâtre comme dans la cité.