Pour un plat de fête réussi il faut des ingrédients de qualité et une bonne recette. Ces éléments sont tout à fait réunis ce soir pour le duo Philippe Jaroussky et Nathalie Stutzmann.
Le programme est fort intelligemment construit. Le Prêtre roux en première partie qui alterne moments de déploration (Farnace) avec accès de terreur (L’Olimpiade) puis le Cher Saxon après l’entracte. Du grand classique me direz-vous, mais très bien composé, conjuguant des extraits plus ou moins célèbres, et ce jusqu’aux bis qui font succéder au dolorisme du duo Cornelia et Sesto (Giulio Cesare) la pure bouffonnerie de Partenope (les deux chanteurs démontrent à l’occasion de cette scène de ménage un sens de l’humour et une complicité qui met le public en joie).
On apprécie également les interludes musicaux nombreux mais courts, ouvertures ou extraits de concertos choisis comme de mini introductions aux airs, soulignant les contrastes, amenant les atmosphères.
Il faut dire, et ce n’est pas la moindre qualité de ce concert, que l’ensemble Orfeo 55 est loin de faire de la figuration. Il semble faire corps avec sa créatrice (qui le dirige parfois des épaules lorsqu’elle chante tournée vers le public), aussi à l’aise dans Vivaldi que dans Haendel, jamais sec voire d’une sonorité plutôt moelleuse (les violoncelles dans le Concerto Grosso op. 3 n°2), sachant souligner les contrastes sans brusquerie, mais n’hésitant pas aller jusqu’au grincement à de fins expressives (Farnace).
Mais la star ce soir c’est Philippe Jaroussky : le Théâtre des Champs Elysées lui organise même un festival avec rien moins que quatre concerts au cours de la saison (les concerts Farinelli des 23 et 25 septembre 2013 et un concert avec Christina Pluhar le 25 juin 2014). Alors en forme notre contreténor ? Oui plutôt ! Comme toujours, la technique est sûre, conjuguée à une grande musicalité. On note bien au début du concert un timbre qui sonne moins pur et une puissance moindre que dans nos souvenirs. Cependant, tout s’arrange en seconde partie avec un « Qual nave smarrita » en apesanteur (ah ces demi teintes !) et surtout un « Crude furie » où le chanteur retrouve toute son mordant et sa projection. Les duos clôturant ce concert se maintiennent d’ailleurs à cette hauteur, la voix de Philippe Jaroussky se mariant à merveille avec celle de sa partenaire.
Nous ne reviendrons pas sur les qualités de chef et l’osmose évidente de Nathalie Stuzmann avec son ensemble, car la chanteuse offre également de superbes moments. On connaît certes voix plus imposantes ou vocalises plus acérées, mais le contralto a bien d’autres flèches à son arc : un chant habité et une sonorité d’une grande douceur qui trouvent particulièrement à s’épanouir dans l’extrait de Rodelinda « Se fiera belva ha cinto » ou dans un « Scherza infida » dont on ne souhaiterait jamais voir la fin.