La nouvelle production de Lohengrin de l’Opéra de Munich a été conçue pour servir d’écrin aux débuts très attendus de Jonas Kaufmann dans le rôle titre. La mise en scène, contemporaine, s’est vue confiée à Richard Jones. Le début du premier acte se passe devant un grand mur d’intérieur de palais percé de deux portes par lesquelles passe Elsa en salopette et chemiser jaune chargée de briques blanches. Concentrée sur ses allées et venues elle ne prête pas attention à l’action jusqu’au moment où Telramund la retient violemment durant ses accusations. Le Héraut reste pour toutes ses interventions sur une chaise haute à l’avant scène devant une caméra diffusant son visage sur deux écrans en forme de lunettes situés en-dessous des surtitres, mélange de Big Brother et de retransmission télévisée en direct. L’arrivée de Lohengrin se fait une fois le mur ouvert révélant les fondations de la maison qu’Elsa est en train de construire, chargé d’un cygne en carton pâte à la tête et au cou mobiles qu’il porte dans ses bras. Il est bien évident que le mouvement de l’animal est actionné par le chanteur ce qui provoque une hilarité globale dans la salle. Le public bavarois aura encore l’occasion de montrer sa bonne humeur lors du duel, maladroitement chorégraphié, entre Lohengrin et Telramund dont l’épée s’enflamme par magie et au moment où Lohengrin rejoint sa future épouse pour participer lui aussi à la construction de la bâtisse.
Le second acte s’ouvre sur un ballet de brouettes. Elsa et Lohengrin n’ont pas chômé durant l’entracte, les murs sont montés en partie. Telramund et Ortrud se retrouvent ensuite à l’avant-scène devant la cloison qui s’effacera de nouveau au moment où se termine la toiture pour le mariage des époux en costume bavarois.
La maison est désormais achevée au III, les parois sont ouvertes sur l’intérieur. Des accessoiristes dansent en rythme tout en terminant un parterre de fleurs au message de paix. Après avoir remercié la foule et assisté à l’élaboration du lit nuptial comme chez Carsen, le couple se retrouve dans cet intérieur bourgeois avec landeau et lit d’enfant que Lohengrin brûlera suite à la dispute conjugale que représente la désobéissance d’Elsa. Retrouvant t-shirt bleu, pantalon et basquets en lamé argent, Lohengrin quitte le Brabant après avoir échangé son cygne articulé contre l’enfant héritier du trône tandis que le peuple et Ortrud, assis sur des bancs de classe d’école, se pointent un révolver sur la tempe : tout est perdu.
Ce constat terriblement pessimiste n’a pas empêché la qualité musicale et surtout vocale d’être au rendez-vous malgré une direction musicale de Kent Nagano étrangement sèche, sans flamme, n’enveloppant pas les chanteurs, semblant se contenter d’une lecture étonnement froide.
Evgeny Nikitin, désormais habitué du rôle, est un Héraut percutant. Christof Fischesser incarne un Heinrich der Vogler juvénile de timbre tout en possédant les notes du rôles, notamment dans le grave au détriment d’un aigu moins libre mais qui se confond avec les voix de Nikitin et de Wolfgang Koch, solide et sonore Telramund qui se révélera impressionnant au second acte peut-être au contact de Michaela Schuster magnifiquement chantante, à l’impact vocal indéniable dû à un timbre dense, sans limite d’aigu. Enfin une Ortrud qui n’est pas dépassée par les exigences terribles de ce rôle au point d’en être trop sage comme ce sera le cas dans les imprécations du III qui tombent malheureusement à plat.
La satisfaction sera totale grâce au couple formé par Anja Harteros et Jonas Kaufmann dans leurs prises de rôle respectives. Elle, éclatante du fait d’une voix parfaitement menée, libre, ronde et très sonore trouvant son plein épanouissement dans le III tout comme Jonas Kaufmann, jamais pris en défaut, dès sa superbe entrée en coulisses, distillant son timbre unique, se permettant de sublimes attaques piano dans l’aigu ainsi que de remarquables envolées dont il est coutumier pour culminer dans un récit du Graal anthologique.
Remarquables prestation des chœurs malgré un décalage sans doute dû au à leur positionnement inconfortable dans des escaliers en fond de scène et sur les côtés.