C’est une grande dame du chant qui se produisait ce soir devant le public fourni du Théâtre Royal de la Monnaie. Il y a une vingtaine d’années, Waltraud Meier apparut sur les plus grandes scènes européennes, prêtant sa voix puissante et magnifiquement timbrée aux grands rôles wagnériens, dans l’enthousiasme général. Elle offrait ce soir un récital de lieder, choisis autour du cycle l’Amour et la vie d’une femme de Schumann, parmi les pages les plus belles et les plus populaires de Schubert et Mahler.
Ce sont quatre lieder de Schubert qui ouvrent le programme : Der Wanderer, Der Zwerg, Du bist die Ruhe et Die junge Nonne, interprétés avec une grande intensité dramatique et un sens théâtral évident. Le matériau vocal, hélas, n’est pas à la hauteur du propos: un volume retenu, peu de couleurs, une émission instable, des problèmes de justesse, un vibrato excessif et incontrôlé, tout atteste une très petite forme vocale, à moins que le temps ait eu raison de cette grande voix… Mais le propos reste musical, la tenue en scène est impeccable, sourire figé, comme si rien ne manquait.
Dans Frauenliebe und Leben, c’est surtout le sentiment d’intimité qui manque. Waltraud Meier aborde le cycle en héroïne de tragédie, dans des tempos rapides, certes sans s’écarter du texte mais sans beaucoup de distance poétique. Cette vision offre peu de place aux épanchements mélancoliques ou à la morosité nostalgique, sentiments pourtant bien présents dans la musique de Schumann, tant dans la partie vocale que dans les magnifiques post-ludes du piano.
Toute la deuxième partie de programme est consacrée à des lieder de Mahler : quatre extraits de Des Knaben Wunderhorn et quatre lieder sur des textes de Rückert, aux accents désespérés.
Si Meier retrouve par moment les grandes envolées lyriques qui ont fait sa réputation et suscité l’enthousiasme du public à la scène, l’ensemble souffre cependant des mêmes faiblesses que durant la première partie, qui vont s’aggravant avec la fatigue.
Malgré des moyens pris ce soir en défaut, Waltraud Meier reste une artiste accomplie, qui construit son récital comme une arche tendue, n’hésitant pas à s’exposer, trop sans doute.
Le pianiste Joseph Breinl, un mètre quatre-vingt dix d’élégance bavaroise un peu raide, n’aide pas vraiment la chanteuse à créer l’intimité du récital. Son piano, impeccablement propre et objectif, est aussi percussif que possible, et globalement trop puissant pour l’équilibre avec la voix.
Trois bis (Mozart, Schubert et Brahms) viendront clôturer la soirée. Le public, généreux, applaudit peut-être ses souvenirs…