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R. STRAUSS, Die Liebe der Danae – Gênes

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Spectacle
16 avril 2025
Lumineux !

Note ForumOpera.com

5

Infos sur l’œuvre

Mythologie gaie en trois actes ( création publique Salzbourg 1952)
Musique de Richard Strauss
Livret de Joseph Gregor

Editions Schott Music, Mainz – Représentant pour l’Italie Casa Musicale Sonzogno di Piero Ostali, Milano

Détails

Première représentation en Italie de la version originale
Nouvelle production du Teatro Carlo Felice

Mise en scène
Laurence Dale

Décors et costumes
Gary McCann

Lumières
John Bishop

Chorégraphe et assistant à la mise en scène
Carmine De Amicis

Collaboratrice aux costumes
Gabriella Ingram

 

Jupiter
Scott Hendricks

Merkur
Timothy Oliver

Pollux
Tuomas Katajala

Danae
Angela Meade

Xanthe
Valentina Farcas

Midas
John Matthew Myers

Premier roi
Albert Memeti

Deuxième roi
Eamon Mulhall

Troisième roi
Nicolas Legoux

Quatrième roi
John Paul Huckle

Semele
Anna Graf

Europa
Agnieszka Adamczak

Alkmène
Hagar Sharvit

Leda
Valentina Stader

Quatre gardiens
Domenico Apollonio, Davide Canepa, Luca Romano, Andrea Scannerini

Une voix
Valeria Saladino

 

Ballet Fondazione Formazione Danza e Spettacolo «For Dance» ETS
Daniele Bracciale, Luca Cappai, Simone Cristofori, Giuseppe Sanniu

Mimes
Erika Melli, Roberto Pierantonio

Acrobate
Davide Riminucci

 

Chœur de l’Opéra Carlo Felice Genova

Chef de chœur

Claudio Marino Moretti
Orchestre de l’Opéra Carlo Felice Genova

Direction musicale
Michael Zlabinger

Gênes, Teatro Carlo Felice, dimanche 13 avril 2025 à 15h

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lumineux ! Comme chaque spectateur d’une représentation de Die Liebe der Danae à l’opéra de Gênes nous avons pu nous émerveiller en direct de la performance artistique en train de s’accomplir sous nos yeux. Et nous ne parlons pas de la maîtrise des chanteurs et des musiciens, pourtant si essentiells et si remarquables, mais du spectacle signé par Laurence Dale et réalisé avec le concours de ses partenaires fidèles tels que Gary McCan  aux décors et aux costumes et John Bishop aux lumières. Que propose celui qui a réalisé avec eux il y a quelques années une si mémorable Ariadne auf Naxos ?

Son point de départ, comme l’indique la date projetée en lever de rideau, est la générale de l’œuvre. Elle eut lieu à Salzbourg en 1944 par autorisation spéciale de Goering alors que tous les théâtres étaient fermés à la suite de l’attentat contre Hitler. La création publique n’eut lieu qu’en 1952, trois ans après la mort de Richard Strauss. A Gênes on voit, durant le spectacle, un homme porteur d’un volume rouge et flanqué d’une femme apparemment aimante, passer des coulisses à une loge d’avant-scène, et vice-versa, en suivant sur la partition les étapes de la représentation. Cette invention, à mettre en lien avec  les circonstances historiques, paraît d’abord sinon superflue du moins surchargée, mais à se souvenir que Richard Strauss avait épousé une cantatrice qui ne lui survécut que six mois, on convient volontiers qu’elle a sa justification dans une œuvre qui célèbre l’existence de l’amour sincère.

Cette invention éclaire au moins l’esprit du travail de Laurence Dale : un amour du compositeur qui le met en empathie avec l’œuvre, et exclut d’emblée les tentations narcissiques de récupération auxquelles succombent tant de metteurs en scène. On y voit le fruit d’une recherche sur le contexte historique contemporain de l’exécution de Salzbourg, évoqué à travers le prisme d’une sélection d’extraits d’actualités filmées. Conçu par Gary McCann, le théâtre dévasté où subsistent des ornements du XVIIIe siècle, est-il celui de Dresde ? Non, à en juger par la chronologie fixée par la date projetée au début de la représentation. Et si c’était le théâtre de Gênes disparu, ce Carlo Felice trois fois victime de bombardements et en proie à des pillages en 1943 ? Et l’on voit en effet des pillards dans ce décor où le roi Pollux est assailli par la meute de ses créanciers, et le délabrement devient la conséquence de l’impéritie financière du souverain. Comment ne pas admirer cet à-propos ?

Pollux, donc, a gaspillé sans compter et la colère de ses sujets le menace jusque dans son palais. Pour la calmer, il annonce qu’il attend le retour de ses neveux, qu’il a envoyés en ambassade auprès du roi Midas, l’homme qui change en or tout ce qu’il touche, pour lui offrir sa fille Danae. Les créanciers rugissent : elle a jusqu’ici repoussé tous les prétendants. Mais Midas vient, comme Jupiter l’a voulu, car pour étreindre Danae sans déchaîner la colère d’Héra, l’épouse qu’il ne cesse de bafouer, le Dieu se fera passer pour Midas, ainsi qu’il avait pris l’apparence d’Amphitryon pour posséder Alcmène. Sauf que Danae et Midas vont tomber amoureux et Jupiter n’y pourra rien : même dépouillé de son pouvoir magique, même redevenu l’ânier qu’il était, Midas restera l’amour de Danaé.

C’est l’esprit d’Offenbach que Richard Strauss aurait voulu ressusciter, Laurence Dale reprend cette affirmation à son compte, et effectivement bien des éléments de l’œuvre pourraient s’y prêter, par exemple au deuxième acte l’assaut de quatre anciennes conquêtes de Jupiter réunies à la cour du roi Pollux dont elles ont épousé les neveux. Ayant connu le Dieu, elles ne sont pas dupes de son déguisement et leur indiscrétion peut faire capoter sa manœuvre. Surtout, elles rêvent de le reconquérir et rivalisent en se rappelant à son bon souvenir. Las, il ne pense qu’à Danaé et lorsqu’il se croit délivré de ces importunes il révèle crûment que le temps ne les a pas arrangées. Selon la didascalie, elles sont sorties, donc elles ne peuvent l’entendre. Mais malicieusement Laurence Dale a choisi de les faire s’attarder derrière le chevet du vaste lit préparé pour les amours de Dieu, si bien qu’elles ne perdent rien de ces aménités.

© DR

Ici se pose la question de l’option de mise en scène : la situation est propice aux effets comiques, mais Laurence Dale choisit de ne pas en profiter. Pourquoi, alors que la drôlerie est évidente à souligner ? Parce que la musique ne le permet pas. Cette situation inventée puisque non prévue par les didascalies n’a pas de prolongement sonore à l’orchestre. On peut le regretter mais c’est l’œuvre qui commande : l’exemple est menu mais il illustre le respect de l’œuvre qui devrait être la règle absolue de toutes les mises en scène. Alors oui, le dépit des princesses est visible, mais il reste dans les strictes limites du bon ton parce que si la musique est narquoise, elle ne l’est qu’en passant, et peut-être vise-t-elle autant Jupiter que ses cibles, car dit-il vrai ou les critique-t-il ainsi parce qu’elles le gênent à ce moment-là ? Autre exemple, quand Danaé est censée succomber à la puissance du regard de Jupiter, il suffit au metteur en scène de lui faire détourner le regard légèrement pour que le spectateur comprenne qu’une autre chose la fascine, ce que confirmera le dépit de Jupiter.

Mettre en scène, c’est devoir prendre en compte les particularités des chanteurs. L’embonpoint de l’interprète du rôle de Danaé n’est pas un mystère et pourrait rendre problématiques certains mouvements. Dès lors l’ingéniosité va consister à trouver le juste milieu entre le confort de l’interprète et les nécessités dramatiques. Mission accomplie, à notre avis. Laurence Dale part du constat que Danaé est une contemplative : elle aime l’or pour sa couleur, pour sa lumière, elle ne demande rien d’autre que de prolonger son rêve. Dès lors il n’est ni utile ni nécessaire de la faire gambader à droite à gauche, et le personnage s’accommode fort bien des stations qui le montrent tantôt à jardin, tantôt à cour, ou  évoluant sans à-coups sur le plateau.

© DR

Mettre en scène, c’est aussi préparer le spectateur à adhérer à ce qui va suivre : ainsi quand Danaé raconte son rêve merveilleux à sa suivante, outre les vidéos de pluies de paillettes d’or, quatre danseurs au corps doré simplement vêtus de cache-sexes animeront le plateau de leurs multiples contorsions athlétiques et chorégraphiques et il en sera ainsi autant que possible. Sont-ils, comme nous l’avons cru, les servants de l’Amour que Laurence Dale fait descendre des cintres, évident deus ex machina jamais nommé en tant que tel ?  Mais survient au milieu d’eux un personnage qui remet à Danae un rameau d’or : comment pourrait-elle ne pas le reconnaître quand elle le reverra, puisqu’il a les traits de Midas ? D’où son trouble quand il se présente comme « le porteur d’or » qui livre les cadeaux de Midas. C’est au deuxième acte qu’il se révélera, permettant ainsi à Danaé de s’abandonner au charme de cette voix pénétrante qui l’a conquise.

On n’en finirait pas de détailler la richesse de cette proposition scénique, qui trouve des solutions de remplacement aux effets spéciaux impossibles – la métamorphose de Danaé en statue d’or – avec le concours précieux des lumières gérées par John Bishop, et intègre des éléments étrangers à l’œuvre – le corps de ballet – pour animer la scène dans des cortèges ou une valse entraînante qu’interrompront brutalement les sbires de Jupiter, épousant toujours étroitement la musique dans ses rythmes et ses couleurs, allègres, mitigées ou menaçantes.

© DR

On ne sera pas avare de louanges pour les interprètes, tant musiciens que chanteurs. La fosse brille de tous ses feux, cuivres rutilants ou sombres, voire sinistres, cordes chantantes, tranchantes ou voluptueuses, percussions efficaces, glockenspiel, célesta, harpe, la pluie d’or est bien au rendez-vous et sème son enchantement dans le déluge visuel des paillettes. Moment singulier, au début du troisième acte un film est projeté, qui montre le visage de Richard Strauss en train de diriger un orchestre. Face à face émouvant, on l’imagine, pour Michael Zlabinger appelé par le théâtre où il avait déjà dirigé Salomé pour remplacer Fabio Luisi, primitivement annoncé. On a l’impression que ce chef pourtant jeune a une maîtrise confondante de cet univers sonore, dont il transmet la richesse profuse et scintillante dans une alliance de souplesse et de rigueur  qui subjugue.

Nos éloges sans réserve au chœur, impliqué dès l’entrée dans l’émeute des créanciers, pour l’homogénéité et l’expressivité. Voix sonore que celle de Valeria Saladino pour sa brève intervention, ainsi que celles des gardes qui repoussent les créanciers, Domenico Apollonio, Davide Canepa, Luca Romano et Andrea Scannerini.  Bien que réduits à la portion congrue les quatre neveux du roi Pollux, Albert Memeti, Eamonn Mulhall, Nicolas Legoux et John Paul Huckle ne déméritent pas. Sculpturales et musicales, les ex de Jupiter, Léda en parme, Semele en rose, Alcmène en bleu et Europe en vert, respectivement Valentina Stadler, Anna Graf, Hagar Sharvit et Agnieszka Adamczak, ne s’abaissent pas à trépigner vulgairement quand elles sont contrariées, princesses jusqu’au bout de leurs diadèmes dans leurs toilettes signées Gary McCann. ce goût commun pour les formes extérieures du prestige éclaire leur fascination pour Jupiter. Valentina Farcas donne une élégante réplique à Danaé, plus dame de compagnie que servante.

Etonnant Pollux du ténor Tuomas Katajala qui soutient avec vigueur l’assaut du chœur des créanciers grâce à une excellente projection. Amusant et percutant le Mercure de Timothy Oliver, qui déboule sur scène comme s’il avait sauté du bombardier dont l’image l’a précédé, autre témoignage de l’invention de Laurence Dale pour interpréter la didascalie qui prescrit pour le personnage une descente des cintres.

Très légèrement en retrait par moments, vraisemblablement à cause d’une rhinite qui l’a amené à plusieurs reprises à se pincer le nez, le baryton Scott Hendricks est un bon comédien, qui fait percevoir la frustration de Jupiter, impuissant, pour la première fois peut-être à obtenir ce qu’il veut et pris au piège du subterfuge qu’il a imaginé. Une image très drôle au début du deuxième acte le montre assis aux côtés de son épouse Héra sur leurs trônes et leurs visages en disent aussi long qu’un discours sur l’état de leurs relations. C’est néanmoins avec elle qu’il quittera l’avant-scène, au final, après avoir pris acte de sa défaite à éclipser l’amour de Danaé pour Midas. Probablement handicapé par cette indisposition, il est assez prudent au premier acte, se libère davantage au deuxième, mais doit renoncer à tenir à loisir certaines notes dans le final. C’est un peu dommage mais cela n’enlève rien à la qualité de l’interprétation.

© DR

Excellente découverte pour nous, John Matthew Myers incarne un Midas vibrant, d’une vaillance à soutenir les houles de l’orchestre, mais d’une musicalité exemplaire, sans que l’on sente l’effort ou la tension et capable des nuances nécessaire. Il forme avec Angela Meade un couple dont l’harmonie vocale est constante. Rien n’altère le souffle de la soprano, qui semble couler de source, et elle exerce un contrôle qui lui permet des sons filés, des sons tenus, sans que l’effort soit jamais perceptible. L’étendue ne lui pose manifestement aucun problème, les aigus sont dardés ou atteints souplement, c’est magnifique d’emblée et cela le restera jusqu’au bout, gageure que ses devancières ne tiennent pas toujours. Les ovations aux saluts salueront sa performance avec gratitude. Nous conclurons en exprimant la nôtre envers la direction du Carlo Felice, pour avoir programmé l’œuvre et les talents qui ont abouti à cette lumineuse représentation.

 

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Mythologie gaie en trois actes ( création publique Salzbourg 1952)
Musique de Richard Strauss
Livret de Joseph Gregor

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Détails

Première représentation en Italie de la version originale
Nouvelle production du Teatro Carlo Felice

Mise en scène
Laurence Dale

Décors et costumes
Gary McCann

Lumières
John Bishop

Chorégraphe et assistant à la mise en scène
Carmine De Amicis

Collaboratrice aux costumes
Gabriella Ingram

 

Jupiter
Scott Hendricks

Merkur
Timothy Oliver

Pollux
Tuomas Katajala

Danae
Angela Meade

Xanthe
Valentina Farcas

Midas
John Matthew Myers

Premier roi
Albert Memeti

Deuxième roi
Eamon Mulhall

Troisième roi
Nicolas Legoux

Quatrième roi
John Paul Huckle

Semele
Anna Graf

Europa
Agnieszka Adamczak

Alkmène
Hagar Sharvit

Leda
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Chœur de l’Opéra Carlo Felice Genova

Chef de chœur

Claudio Marino Moretti
Orchestre de l’Opéra Carlo Felice Genova

Direction musicale
Michael Zlabinger

Gênes, Teatro Carlo Felice, dimanche 13 avril 2025 à 15h

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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