Après Londres, l’Opéra de Bordeaux accueillait ce dimanche la cantatrice allemande Diana Damrau dans un récital composé d’œuvres mélodiques françaises, espagnoles et allemandes. Ce récital était identique à celui donné au Wigmore Hall de Londres, le 12 octobre dernier.
Pour ceux qui suivent assidûment la chanteuse, dont on connait l’abattage vocal et physique dans chacune de ses prestations, le récital donné dans le cadre intimiste du Grand Théâtre de Bordeaux allait certainement en surprendre plus d’un.
Vêtue d’une robe froncée bleu nuit ornée de roses de même ton, Diana Damrau avait concocté un programme composé de pièces de Henri Duparc, Robert Schumann, Enrique Granados, Joaquin Turina, Fernando Obradors et Richard Strauss. Tout ne fut qu’amour, tendresse et fragilité. Paroles de femmes amoureuses. C’est une Diana Damrau émouvante, pleine de retenue que le public bordelais ovationna. Par contre, a-t-elle fait le bon choix d’attaquer la soirée avec des mélodies d’Henri Duparc ? Devant une salle timidement pleine, la chanteuse ne semblait pas être très à l’aise. Le phrasé manquait un peu de fluidité et la compréhension du texte était assez difficile à suivre. Par contre, dans la série des huit Lieder rattachés à Frauenliebe und Leben op.42 de Robert Schumann, son art excellait, explorant avec délicatesse la longue histoire d’une femme torturée par les sentiments, qu’elle susurrait à l’oreille du spectateur comme des caresses et des mots d’amour.
Après l’entracte, les canciones des compositeurs Enrique Granados, Joaquin Turina et Fernando Obradors apportèrent un ton léger et ensoleillé souhaité par la diva qui retrouva ainsi un peu de sa fantaisie naturelle. Elle en avait besoin. Juste avant l’entracte, pendant les deux derniers Lieder de Schumann, une dame du premier rang s’était évanouie et avait provoqué un peu d’agitation dans le public. Se trouvant désemparés, la chanteuse et le pianiste durent stopper le récital pendant quelques courtes minutes, le temps aux secours d’évacuer la dame. Encore sous l’émotion, c’est avec dignité qu’ils attaquèrent le dernier poème de Schumann, Nun hast du mir den ersten Schmerz getan, venant presque en écho à l’incident.
Le récital bordelais s’est achevé avec une série d’œuvres de Richard Strauss, dont la célèbre berceuse Wiegenlied. Entre Diana Damrau et Richard Strauss, une longue histoire d’amour ! Un Lied de Schumann et le An die Musik de Franz Schubert clôturaient ce programme finement étudié. C’est sur la pointe des pieds et avec élégance que les deux artistes prennent congé du public encore sous le charme.
Le célèbre pianiste polonais Maciej Pikulski, accompagnateur de premier plan de très nombreux solistes lyriques a porté chaque morceau avec une grande sobriété. Il semblait être plongé dans la musique comme coupé du monde, sans que rien ne lui échappe : les silences, les respirations, les regards… autant de mots illustrant la symbiose entre lui et la chanteuse. Des moments rares.
En attendant de retrouver Diana Damrau dans une tournée avec Jonas Kaufmann, ses admirateurs pourront la découvrir à l’Opéra de Zurich en fin de l’année, dans la prise de rôle d’Anna Bolena.