Ténor d’opéra-comique, mozartien, belcantiste, mélodiste, Cyrille Dubois aime vagabonder d’un répertoire à l’autre. Le programme de son concert au premier étage de la Tour Eiffel, dans le cadre du Festival de Paris, en apporte la nouvelle démonstration. Au piano, Tristan Raës, son partenaire attitré avec lequel il a formé en 2010 le duo Contraste.
Six mélodies de Fauré pour commencer. Avoir enregistré l’intégrale du corpus fauréen –103 pièces – offre au tandem l’embarras du choix. En découlent une intimité avec cette musique et une communion entre les deux interprètes, au-delà d’une diction exemplaire qui donne à comprendre chaque mot, à entendre chaque rime, au-delà aussi de l’éloquence pianistique et de l’affirmation d’harmonies délicates. Même sensibilité, même musicalité, même fraternité, que la page interprétée soit recueillie – Le secret murmuré à l’oreille du public comme une confidence – ou à l’inverse expressive – l’animation progressive de Notre amour à la manière d’un esprit dont les sens attisés par la pensée s’échauffent.
Mozart ensuite. La tendresse rêveuse de Ferrando ; l’élégance outragée de Don Ottavio (que Cyrille Dubois parvient à animer d’une ardeur inhabituelle chez un personnage dont il est coutume de moquer le caractère falot), l’exaltation fiévreuse de Belmonte… La grâce, au-delà de la lumière, du legato, et de la souplesse que les airs belcantistes ensuite confirmeront.
Puis l’opéra-comique, répertoire dans lequel Cyrille Dubois s’avère encore plus inestimable car ils ne sont pas si nombreux les chanteurs capables de maîtriser d’un genre encore en déshérence, la prononciation, le style, et si nécessaire la virtuosité – « Asile où règne le silence » air sous influence rossinienne extrait de La Barcarolle, ouvrage créé Salle Favart en 1845.
Le belcanto romantique enfin, envisagé comme un défi, avec peut-être trop de nervosité à l’issue d’un tour de chant généreux, et dans l’opéra donizettien trop de légèreté, pour s’imposer avec la même évidence.
Entre chacun de ces chapitres, des préludes de Chopin effeuillés par Tristan Raës d’une main vigoureuse aménagent un temps de repos.
En bis, Cyrille Dubois annonce inviter un cinquième genre à se joindre aux quatre précédemment abordés : l’opérette représentée par le Jugement de Pâris, dont le ténor se plait à imager, scéniquement autant que vocalement, chacun des six couplets qu’il ponctue de joyeux « Evohé ! » et au passage, d’un discret hommage à Eiffel en substituant dans le texte « Gustave » à « Calchas ».
Retour à Fauré pour conclure la soirée. « Après un rêve » referme en douceur cet état de l’art du ténor normand, avec en toile de fond la skyline parisienne bistrée par la tombée du jour.