Moins d’un an après le concert inaugural de son ensemble Le concert de la loge olympique en ces mêmes lieux avec Karina Gauvin, Julien Chauvin offre cette fois-çi son écrin symphonique à Sandrine Piau.
Soulignons d’abord notre plaisir d’entendre à nouveau cet ensemble dans un répertoire plus tardif cette fois et louons le fait qu’ils soient si nombreux sur scène : 25 musiciens à Gaveau pour un récital lyrique, c’est rare et pourtant bien le minimum pour rendre justice à ces partitions. On peut s’étonner que le chef autorise les applaudissements entre les mouvements de la symphonie de Haydn qui ouvre le concert. On s’étonne encore plus que cette symphonie soit démantelée, ses deux derniers mouvements étant donnés après l’entracte. Mais on nous a expliqué qu’il s’agissait ici de reproduire les concerts de souscription tels qu’ils se tenaient à Paris à la fin du XVIIIe Siècle, et durant lesquels cette alternance de mouvements symphoniques et d’arias était la règle.
On a déjà dit à quel point la longévité vocale de Sandrine Piau nous stupéfiait. Nous avons aussi dit que les aigus avaient beaucoup perdus de leur résonnance (dans les traits rapides surtout, ce qui nuit à la moitié du « Nel grave tormento ») et que ses harmoniques s’étaient durcies. Passées ces réserves, on ne peut qu’apprécier ses qualités de prononciation (elle commence d’ailleurs « Ach, Ich fühl’s » par le récitatif), sa technique robuste qui lui permet d’atteindre et de filer les aigus de Pamina avec une fraicheur remarquable. Elle propose une cadence ébouriffante dans l’aria de Bach (de la main du premier alto, Pierre-Eric Nimylowycz – on précise trop rarement ces paternités) au point que l’on en oublie l’absence de trilles. Son intelligence dramatique qui lui permet de soutenir l’attention dans la magnifique déploration galante de Sarti, ce qui n’a rien d’évident lorsque les solistes concertants ont une si belle part. On loue aussi sa curiosité : aborder des airs aussi retors qu’inconnus après une telle carrière est tout à son honneur (pour le Sarti en tout cas, découverte totale, le Bach avait déjà été enregistré) . Nous n’avons en revance pas entendu la duplicité d’Aminta dans l’aria du Re pastore de Mozart, mais il est vrai que cet air a vite perdu son ambiguité en devenant un air de concert, plus souvent joué que l’oeuvre dont il est tiré. Jouvence toujours avec son premier bis : l’air de Barberina où le da capo nous manque plus que jamais. Puis le « Nehmt meinen Dank » qu’elle chante humblement sans cabotiner dans cette posture qui la caractérise tellement (coudes collés au buste et mains grandes ouvertes), avec la même bienveillance que si elle chantait une berçeuse.