Quelle surprenante irruption que ces airs belliqueux dans la Salle des Pôvres des Hospices de Beaune ! Sans nul doute, les lamentos et les arias éthérées correspondent mieux à l’esprit de ce lieu émouvant pieusement préservé depuis le XVe siècle. D’autant que si la technique vocale de Delphine Galou lui autorise certains airs de bravoure, c’est surtout dans la déploration et la douceur que s’épanouit son alto velouté.
Disons-le d’emblée, la cohérence de ce récital est à attribuer à l‘ensemble Les Ambassadeurs qui joue avec brio sur instruments d’époque sous la direction de son fondateur Alexis Kossenko, chef-flutiste de grand talent. Non seulement, ces musiciens inspirés, issus de toute l’Europe, entourent fraternellement la chanteuse, mais leurs intermèdes comptent parmi les meilleurs moments de la soirée. En particulier le Concerto de Vivaldi en fin de première partie où Alexis Kossenko brille à la flûte traversière et où la violoniste virtuose bulgare Zefira Valova se montre éblouissante dans sa partie en solo. Si bien que c’est cette dernière qui remportera nettement la palme à l’applaudimètre au moment des saluts finals.
Cordes et clavecin officient devant l’autel de la ravissante chapelle ouverte sur la vaste salle où est assis le public. De part et d’autre, demeurent les deux rangées d’alcôves en chêne, garnies de rideaux rouges et surmontées de croix ; dans chacune, un lit en bois avec draps blanc et gros édredons rouges où les malades d’antan recevaient individuellement les soins administrés aux indigents par la communauté soignante.
Dans la partie légèrement surélevée qui délimite les deux espaces, accueillie par le chef, la cantatrice vient se placer devant l’orchestre — un peu coincée au bord de la marche. La première aria de Zenobie (Radamisto) « Gia che morir non posso » lui permet de chauffer sa voix avec des vocalises soigneusement exécutées tandis que la seconde « Quando mai, pietate sorte » convient bien à son timbre suave. Les rôles titre d’Alessandro et de Rinaldo, écrits pour castrats, s’avèrent sensiblement au-dessus de ses moyens ; « Vano amore » et « Cara sposa » sont chantés correctement, sans plus.
Après un court entracte où le public reste dans la salle, le Prêtre roux règne en maître sur la programmation. Dans Argene (L’incoronazione di Dario), Zelinda (La Constanza trionfante), la Vertu (La Senna festeggiante) et Holopherne (Juditha triumphans), Delphine Galou gratifie le public d’un chant délicat où vocalises légères, bien rythmées, et jolies descentes chromatiques dans le medium se succéderont. Dommage que le « Nel Profondo » d’Orlando furioso la mette à nouveau sur la corde raide.
Dommage surtout qu’elle soit restée, la plupart du temps, accrochée à ses partitions. Ce qui privait le public de son beau regard bleu-vert. Deux bis bien choisis : Pour Haendel, « Del mar fra l’onde » d’Aci, Galatea e Polifemo ; pour Vivaldi : « Sol da te » d’Orlando furioso, occasion d’un beau dialogue avec la flûte, la font néanmoins chaleureusement applaudir.