Pour conclure les dix jours de master-class de son Académie de chant français, Michel Plasson a organisé un récital pour ses étudiants où chacun, accompagné au piano en solo et en ensemble, a pu défendre ce répertoire et ses qualités propres face à un parterre d’environ 700 personnes installées dans la cour du domaine de Régismont-le-haut, tandis que moineaux et hirondelles s’ébattaient autour des lauriers roses, accompagnateurs inattendus. Le public a aussi pu bénéficier des commentaires souvent drolatiques du maestro, fruits de son expérience et de sa grande passion pour ce répertoire.
Comme il s’agissait d’une académie, la bienveillance est de mise, il s’agit davantage d’encourager les élèves que de souligner tout ce qu’il leur reste à améliorer ; le critique serait de toute façon bien en deçà des professeurs dans cet exercice, lui qui ne sait presque toujours que constater et non apporter de solutions techniques à ce qu’il fustige.
D’une façon globale, on louera chez tous un véritable effort sur la diction. A de ponctuelles exceptions près, ils sont tous parfaitement compréhensibles. Michel Plasson et Sophie Koch nous confiaient justement en interview avoir été particulièrement exigeants à ce sujet, et le résultat est là, bien meilleur que ce que l’on entend souvent dans les grandes maisons d’opéra, y compris en France.
Si l’on essaye de les regrouper par qualités majeures, on louera une belle générosité chez la Salomé de Leah Crowne, tout comme dans les stances chantées par le Werther d’Alok Kumar ou chez le Rodrigue fiévreux de David Sumbadze. Ceux dont la sincérité nous a semblé la plus touchante furent Elisabeth Gimmling au Siebel sans déguisement, Reksi Sata qui de Leïla à Lakmé a bien su rendre la délicatesse que Bizet a insufflé à ses personnages et Olivier Dejean qui, avec la rare Reine de Saba de Gounod, n’a pas choisi la facilité et fait pourtant montre d’une grande élégance. Le sens de la mise-en-scène, c’était avec Albane Carrère dont la belle Hélène savait habilement prendre la pose et nous avons été séduits par l’expressivité, la véritable intelligence théâtrale de Tiago Matos qui rendirent ses Lescot et Moralès immédiatement attachants. Le baryton Joan Martin-Royo a vraiment convaincu en Albert, technique solide, voix bien focalisée et très bon jeu. La palme de la virtuosité revient sans conteste à Blerta Zeghu qui ouvrit le concert avec la valse de Juliette, aux aigus triomphants quoiqu’encore un peu amples et phrasée avec un vrai soucis de finesse. Côté technique, Yu Shao est sans rival ce soir, ce ténor léger plus à sa place en Nadir qu’en Roméo n’en a pas moins délivré un très beau « Lève-toi soleil » auquel ne manque plus qu’un sens dramatique plus présent. On regrette que Julien Véronèse ait été malade, et contraint d’annuler son air de Zurga tant son Dr Miracle s’imposait avec une grande authenticité; ce que nous avons entendu à la générale nous convainc qu’il comptera bientôt dans ce répertoire qu’il défend déjà avec le Palazetto Bru-Zane. Enfin notre coup de cœur va à Chloé Chaume : précision de l’émission, clarté du timbre, densité des harmoniques, diction affutée, et élégance ; certes Micaëla n’est pas le personnage le plus profond du répertoire mais son « Je dis que rien ne m’épouvante », redoutable sans en avoir l’air, pousse beaucoup de chanteuses à se contenter de jouer les oies blanches pour ne pas déraper. Or ce soir il nous a semblé entendre une Micaëla plus combative que d’habitude.
Avec la Giulietta de luxe de Sophie Koch, le concert s’est conclu par le septuor des Contes d’Hoffmann, assez imprécis, malgré tous les efforts d’Emmanuel Plasson : mais on ne saurait le lui reprocher, c’était surtout un morceau permettant à tous de revenir sur scène, et un septuor à 14, cela tient plus du chœur en canon. C’est Michel Plasson enfin qui a dirigé la Barcarolle donnée en bis, souffrant du même défaut mais emportant l’adhésion d’un public toujours très attentif et encourageant.