Depuis 2007, année de sa fondation par Margery Arent Safir, The Arts Arena propose des événements culturels, à Paris notamment : expositions, conférences, performances artistiques ou encore concerts, comme jeudi dernier, 31 mars, dans le cadre aussi somptueux qu’historique de l’Hôtel Talleyrand. La jeune mezzo-soprano Evanna Chiew, accompagnée par le non moins jeune pianiste Yevgeny Yontov, interprétait des partitions signées Ravel, Delage, Malher et Lieberson.
Jeunes donc l’un et l’autre avec tout ce que cela signifie d’inexpérience et de touchante maladresse dans les deux mélodies hébraïques de Ravel, qui les cueillent inévitablement à froid. Désavantagés par un français améliorable, les quatre poèmes hindous de Maurice Delage paraissent également mal assurés avec, dans « un sapin isolé », une vocalise périlleuse que l’on dirait empruntée à Lakmé.
Puis vient Malher – trois des Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit – et l’on découvre chez Evanna Chiew un registre grave insoupçonné, chaleureux, projeté, évident, quand l’aigu nous avait auparavant paru difficile. De surprise en surprise, les Neruda Songs de Peter Lieberson révèlent le potentiel de cette chanteuse formée à la Yale Music School, dont l’élégance de la silhouette et le port de tête semblent empruntés à un film de Wong Kar-wai. Dans ce qui s’apparente à un marathon émotionnel, compte tenu de la longueur et de l’exigence expressive du cycle, la voix devenue souple et égale laisse transparaitre derrière les notes les sentiments douloureux du compositeur mettant en musique quatre poèmes de Neruda à l’intention de son épouse, la mezzo-soprano Lorraine Hunt, décédée d’un cancer du sein un an plus tard après avoir longuement lutté contre la maladie. Elle avait 52 ans. Si Malher suggérait Erda, c’est à Carmen, langue espagnole aidant, que l’on se prend à penser, tandis que le piano ne fait pas montre de moins d’éloquence.
Un extrait de Vanessa de Barber, offert en bis, confirme les affinités d’Evanna Chiew avec la musique du XXe siècle, bien qu’elle compte aussi à son répertoire Cherubino (Le nozze di Figaro) et Angelina (La cenerentola).