En 2021, Giorgio Caoduro était l’un des seuls chanteurs à tirer son épingle de la fastidieuse soirée de clôture du Rossini Opéra Festival sur la Piazza del Popolo. L’année suivante toujours à Pesaro, il remportait un franc succès dans le rôle de Filippo, l’aubergiste amoureux de La gazetta. « Lucky Luke dans sa catégorie, le baryton vocalise plus vite que son ombre. Cette agilité à laquelle sa tessiture nous a peu habitués – et dont témoigne un album chez Glossa – s’accompagne d’une largeur confortable et de la liberté expressive nécessaire pour transcender l’exploit technique », écrivions-nous alors à son propos.
Ce triomphe lui vaut d’être l’invité vedette d’un des deux concerts « lirico-sinfonico » de cette 45e édition. Las, les festivaliers ont la mémoire courte. C’est dans un Teatro Rossini clairsemé que Giorgio Caoduro renoue avec le public pésarais. Le programme alterne équitablement pages lyriques et symphoniques. Haendel et Mendelssohn en tour de chauffe apportent la preuve que musiciens et chanteur sont à leur meilleur dans Rossini, fût-il revisité sous forme de suite orchestrale par Benjamin Britten.
Giorgio Caoduro © Amati Bacciardi
En peu d’années, la voix de Giorgio Caoduro a gagné en ampleur et en profondeur. « Revenge, Timotheus cries » et l’aria di tempesta de Zoroastro voudraient cependant plus d’assise et d’autorité. Surtout la technique de vocalisation, à bout de souffle, avec ses notes débitées en rafale, apparaît incongrue dans le répertoire haendélien. Tout comme les sonorités romantiques de l’Orchestra Sinfonica G. Rossini sonnent compassées pour des oreilles habituées à la vivacité des ensembles baroques.
Que le programme revienne en terrain plus familier et la direction de Jacopo Brusa retrouve verve, pertinence et colonne vertébrale rythmique. L’ouverture de Semiramide possède cet élan sans lequel le drame ne pourrait trouver ses marques. Malgré le soutien apporté par l’orchestre, Assur peine à convaincre. « Si, vi sarà vendetta », sa grande scène, exige une noblesse et un phrasé étrangers à une manière de chanter qui transforme la ligne en pointillés. Dans le Rossini buffa en revanche, Giorgio Caoduro s’impose sans l’ombre d’un doute, la vocalise et les variations ajoutant au comique des situations : Batone agité de hoquets, Dandini drolatique, persifleur, insolent et, en unique bis, ce Filippo de La Gazzetta sans rival aujourd’hui autant qu’hier.