Julie Boulianne est cette année en résidence à l’Orchestre National de Bretagne.
La mezzo-soprano participe ainsi à quatre concerts au cours de la saison. Après un premier rendez-vous cet automne et avant un intéressant programme autour des Wesendonck Lieder de Wagner et des Kindertotenlieder de Mahler les 13 et 14 mars prochain, cette collaboration s’achèvera le 2 juin avec un récital de musique de chambre centré sur la musique du XXe siècle.
Ce soir, c’est un très beau programme chant/piano qui est proposé au public rennais dans le cadre séduisant du couvent des Jacobins.
L’artiste y rend un hommage appuyé aux femmes compositrices lors d’une soirée particulièrement exigeante comportant plus de vingt mélodies, dont certaines excessivement ardues comme les merveilleux Reflets et Clairières dans le ciel de Lili Boulanger qui constituent l’un des temps forts de ce moment musical. Les médiums sont accrochés haut, les aigus faciles, le focus précis en dépit de mimiques un peu forcées. Julie Boulianne y développe un art subtil du legato, une intelligence remarquable de la conduite de la ligne mélodique qui trouvent un interlocuteur idéal en la personne de Malcolm Martineau.
Nous avions déjà apprécié le formidable talent du pianiste à Evian l’an passé lors de son récital avec Sonya Yoncheva tout comme d’autres rédacteurs, notamment à Aix-en-Provence avec Elīna Garanča.
Ce soir encore, le jeu tout en finesse de l’Ecossais, son écoute fertile de l’interprète qu’il accompagne font merveille, tout comme l’humour délicieux qui teintent les mélodies de Poulenc d’une friponnerie rafraîchissante. Que de sagacité dans Montparnasse où la chanteuse déploie enfin un corps jusqu’alors un peu contraint, pour mieux rendre la ligne sinueuse d’une mélodie idéale pour son mezzo chaud et charnu.
La distance désabusée dont tous deux colorent leur proposition contraste parfaitement avec l’émotion sincère qui anime tout le répertoire autour du thème de la lettre, comme le superbe Ma première lettre ou encore Mots d’Amour de Cécile Chaminade. Très prolifique, celle qui composa plus de cent cinquante mélodies était affectueusement surnommée par Bizet « mon petit Mozart ». La chanteuse québécoise lui rend justice dans un français limpide et une palette de sentiment dont les lavis s’étirent du sourire au sanglot. Ailleurs, quelques mots nous échappent car nous ne disposons ni de surtitrage, ni des textes.
L’osmose entre les deux musiciens est frappante dans les deux Lieder d’Alma Mahler où président à nouveau une grande élégance dans un allemand parfait. Les graves sont posés avec délicatesse dans Die stille Lotosblume de Clara Schumann ; le phrasé est impérial dans Die Lotosblume de Robert Schumann comme dans Glückwunsch de Korngold.
Pareillement, la ligne vocale s’offre en majesté pour mieux servir la narration avec deux mélodies de Pauline Viardot, toutes en retenue malgré des vocalises aériennes. Là, comme dans l’incursion en Amérique du Sud chez Carlos Guastavino et Maria Grever, le spectateur aspirerait à un peu plus de lâcher prise. Dans ce récital hautement maîtrisé, un peu moins de sagesse amènerait plus de contraste, des personnages mieux dessinés encore.
C’est finalement avec le bis que la magie opère dans une version prenante d’ A Chloris de Reynaldo Hahn.