Le récital est un art particulièrement codifié dont la forme n’a que très peu évolué depuis plusieurs décennies. Les facéties y sont rares C’est sans compter certains imprévus qui ajoutent une touche parfois cocasse et redonnent un brin d’humanité à un rituel relativement figé. Ce fut le cas du récital de Juan Diego Flórez le 4 décembre à la Philharmonie de Paris où s’invita un rhume pernicieux.
Connu pour des performances scéniques parfaitement maîtrisées, le ténor péruvien dut admettre devant le public qu’il était légèrement malade et dut même se moucher discrètement sur scène. Avec la complicité du pianiste Vincenzo Scalera, un intermède au piano fut également ajouté au programme pour permettre au chanteur de s’éclipser brièvement en coulisse. Cependant, cette légère indisposition fut bien le seul aléa au cours de cette prestation d’une immense qualité et eut pour seul effet de conférer au chanteur une certaine vulnérabilité qui le rendait plus proche du public.
Le ténor proposa au cours de la soirée une sorte de rétrospective de son répertoire sur les vingt dernières années : du bel canto rossinien à l’opéra français avec le chevalier Des Grieux dans Manon de Massenet, en passant par Mozart qu’il a chanté au disque avec brio.
Flórez a une fois de plus démontré sa capacité remarquable à allier une technique impeccable avec une grande intelligence musicale pour incarner chaque personnage avec une finesse et une émotion rares. Bien qu’ayant moins la légèreté insolente de ses tout premiers enregistrements, la voix reste impressionnante de souplesse et d’homogénéité. Les aigus sont toujours puissants et clairs malgré l’état de santé du chanteur. Le medium s’est également étoffé au fil des années pour gagner en couleurs et en puissance, permettant d’aborder des airs plus dramatiques comme celui Rodolfo dans Luisa Miller de Verdi.
On retiendra enfin le moment des rappels durant lesquels le chanteur, fidèle à son habitude, prit sa guitare pour entonner des chansons espagnoles ou latino-américaines dans un moment d’intimité particulière avec le public.
Malgré le rhume, Flórez est donc bien parvenu à « faire en sorte que la magie opère »[1], comme en témoignèrent les applaudissements chaleureux accompagnés d’une standing ovation et de drapeaux péruviens brandis dans le public.
Antoine PIETRI
[1] Source : https://fr.euronews.com/culture/2018/10/18/juan-diego-florez-fait-tout-pour-que-la-magie-opere