Dès son entrée, vêtue d’une longue robe rouge, une ovation spontanée lui est réservée. Très émue, entre deux larmes, elle s’adresse à la salle, remercie tout le monde, s’essuie les yeux et attaque la première mélodie de son récital. C’est son premier retour sur scène après cinq mois d’absence forcée. Nous sommes le samedi 27 juin au Grand Théâtre de Bordeaux. Pour ces émouvantes retrouvailles, Karine Deshayes a su par des mots choisis, toucher le cœur de chacun d’entre nous.
Prévu initialement le 16 mai dernier, ce récital est composé de mélodies et opéras français et italiens – Duparc, Massenet, Godard, Gounod, Rossini, Verdi, Bellini, Delibes, Fauré. Dans chaque morceau, Karine Deshayes, des graves appuyés aux aigus percutants, garde en continu la maîtrise des couleurs et une virtuosité toujours aussi séduisante. Pour chacune des mélodies, ce n’est que suavité et précision ; choix judicieux avec L’invitation au voyage et Phidylé de Duparc, Elégie de Massenet, L’Absent de Gounod, Nizza de Rossini et In solitaria stanza de Verdi.
Lorsqu’après une berceuse extraite de Jocelyn de Godard, elle aborde l’air de La Reine de Saba de Gounod, la salle s’enflamme sous le charme et l’engagement de cette chanteuse d’exception. Les airs, extraits de I Capuleti e i Montecchi de Bellini et de Semiramide de Rossini, lui sont familiers. Pour le célèbre rondo de La Cenerentola de Rossini, elle fait un petit clin d’œil à Bordeaux en rappelant qu’il y a plus de quinze ans elle débutait sur cette même scène dans le rôle d’Angelina.
À ses côtés, Antoine Palloc, le réputé accompagnateur de très nombreux artistes lyriques et créateur de la série des récitals « L’Instant Lyrique » est au piano. Lorsqu’on observe ses doigts effleurant délicatement les touches, comme des caresses, il est difficile d’en imaginer le résultat et pourtant la magie opère à chaque instant. Jusqu’à l’évanouissement de la dernière note de chaque morceau le public reste en lévitation auditive.
À l’occasion de ce récital exceptionnel, un second musicien intervient le temps de trois mélodies. Il s’agit de l’élégant et virtuose violoncelliste Alexis Descharmes, membre de l’Orchestre National de Bordeaux. En premier bis, Les filles de Cadix de Delibes sont à l’honneur. Pour le second et dernier bis offert par les trois artistes, la mélodie de Fauré Après un rêve, sert de prétexte à Karine Deshayes, sous forme de confidence et d’humour, pour nous inviter à se quitter et pour nous souhaiter une bonne nuit. Nous la retrouverons le 19 novembre prochain à l’Auditorium de Bordeaux dans la version mezzo-soprano du cycle de lieder de Mahler, Chants d’un compagnon errant.