Marie-Laure Garnier, Révélation lyrique des Victoires de la Musique 2021, travaille depuis plus de dix ans, avec la pianiste Célia Oneto Bensaid. Leur duo est à l’honneur pour la soirée d’ouverture de la 35e édition du Festival International de Musique de Dinard. C’est la première proposition du nouveau directeur artistique Yann Ollivier après le départ de la pianiste Claire-Marie le Guay.
Les deux artistes ont abordé les negro spirituals dès leurs études au CNSM sous l’impulsion de Jeff Cohen. Ce répertoire a d’ailleurs fait l’objet de leur premier enregistrement : Songs of Hope. Ce soir, il structure superbement le récital avec une chaleur et une limpidité réjouissantes :
Adrénaline de l’entrée en scène, peut-être, « Walk together Children » ouvre la soirée avec un tempo précipité qui oblige à expédier les finales de manière un peu cavalière. « Ride on, King Jesus ! » à l’ambitus plus haut révèle bien mieux le timbre ambré, magnifiquement brillant dans les aigus de la soprano tandis que « My Good Lord’s done been here » se colore de nuances mates et de riches harmoniques graves dans les passages poitrinés. En trois morceaux, le duo expose une complicité musicale sans faille.
Un bref pas de côté nous emmène chez Kurt Weil – dans sa période parisienne, avant son expatriation aux Etats-Unis – avec « Je ne t’aime pas » beau mais un peu extérieur, suivi d’un somptueux « Youkali », intense aux médiums très naturels. On retrouvera plus tard ce même contraste avec les deux extraits de Porgy and Bess de George Gershwin où le célèbre « Summertime » alterne de manière assez brutale voix de tête et de poitrine, alors que l’air de Serena, « My man’s gone now » s’élève en un poignant cri de révolte.
Une nouvelle incursion en terre gospel permet de se régaler de « Nobody knows the trouble I’ve seen » et surtout « He’s got the whole World in His Hands » où la voix ample de la soprano se moire de nuances satinées et d’aigus glorieux.
Recueilli, douloureux, pour évoquer la crucifixion, « He never said a mumbalin’ word » nous est offert avec un art consommé de la narration qui renonce à toute séduction facile et touche d’autant plus juste.
La pianiste propose ensuite l’axe autour duquel s’articule le concert avec un remarquable moment musical dévolu aux Danses Symphoniques de West Side Story de Leonard Bernstein. Son jeu sensible, très rythmique, son phrasé nuancé, la netteté de son toucher, évidents ici, sont patents tout au long de la soirée, par exemple dans les deux airs de George Gershwin « The man I love » et « I got rythm » où éclate à nouveau la connivence artistique entre les deux musiciennes.
Les trois extraits de comédie musicale dues à William Bolcom confirme ce trait avec un épatant art du dire et des pianissimi prenants.
Le concert, doté d’une structure en chiasme, s’achève avec deux derniers negro spirituals, « De gospel train » et surtout « Wade in the water » avant une découverte en bis : celui de la « Toccata » extraite de Cantata de John Carter à partir d’un gospel, superbement interprété par Célia Oneto Bensaid, qui confirme son talent le lendemain avec une formidable heure musicale en soliste.
L’accordéoniste Théo Ould – en prémisse de son concert – rejoint le duo pour un vibrant Hymne à l’amour de Piaf qui clôture cette soirée aussi brillante que généreuse.