A l’occasion du 225e anniversaire de la naissance de Schubert, le festival de Schwarzenberg a mis sur pied l’ambitieux projet d’un cycle de récitals de Lieder reprenant l’intégrale de ceux publiés par Schubert de son vivant. On sait en effet qu’il a eu à cœur d’assurer la publication d’une partie de sa très abondante production de Lieder (un tiers environ), en les regroupant suivant différents critères : en fonction de l’auteur des textes, en fonction du (ou de la) dédicataire, ou parce que les textes constituent déjà un ensemble cohérent, ou un cycle. Ces affinités voulues par le compositeur ont souvent un sens qu’il est donc bien logique de vouloir le respecter en concert, en conservant à ces petits ensembles de Lieder rassemblés sous un même numéro d’opus, leur logique interne et leur cohérence.
Le récital de samedi soir faisait partie de ce vaste projet. Et le principal intérêt des intégrales est de remettre en lumière des œuvres oubliées ou injustement délaissées, qui sont alors autant d’intéressantes découvertes pour le spectateur même le plus averti.
Tête de bon garçon sur un corps de rugbyman, Mauro Peter s’est affirmé au cours des dix premières années de sa carrière comme un chanteur assez complet. Il s’est tout d’abord fait remarquer au concours Schumann de Zwickau en 2012 avant de rejoindre la troupe de l’opéra de Zürich, sa ville natale, puis de s’affirmer sur la plupart des grandes scènes germaniques. Une grande aisance naturelle, beaucoup de spontanéité, une juvénile ardeur et un plaisir très communicatif de chanter lui assurent la sympathie d’un public très large. Sa vision du Lied rattache le genre à ses traditions populaires, avec humour, franchise et émotions directes, plutôt qu’à la sophistication et au raffinement à outrance. Schubert s’en accommode volontiers, l’atmosphère ici est conforme à ce qu’on imagine des soirées viennoises du compositeur et de ses amis. La poésie n’est jamais loin, faite d’une certaine naïveté, d’émotions au premier degré et de beaucoup de sincérité, comme dans Meeres Stille, présenté ici avec une économie de moyens presque miraculeuse.
Helmut Deutsch, piano et Mauro Peter, ténor
Voir ce bon géant accompagné par Helmut Deutsch, sans doute aujourd’hui le plus chevronné des pianistes spécialisés dans ce type de répertoire, c’est mesurer un contraste de génération, bien sur, mais aussi de personnalité : très extraverti du côté du chanteur, tout en retenue, modestie, mais aussi précision et remarquable efficacité du côté du pianiste. Faisant corps avec son instrument, il évoque par son attitude les célèbres silhouettes de Brahms au clavier. Très attentif à son partenaire qu’il cadre avec discrétion, il assure la cohérence de l’ensemble de la prestation, mettant un peu de rigueur juste là où il faut.
Chanteur et pianiste se complètent et s’entendent fort bien, livrant tout au long du récital une prestation globalement soignée, variée et agréable, avec son lot de véritables découvertes. La voix est parfaitement homogène dans tous les registres, le texte bien compréhensible, et si on peut regretter que Mauro Peter ne parvienne pas à s’affranchir complètement de la partition, on doit bien reconnaître que cela ne nuit guère, dans son cas, à ses qualités de communication avec le public.
C’est probablement la fin du récital, sur des poèmes de Goethe, qui révèlera le meilleur des deux musiciens, avec de magnifiques couleurs intimes dans An dem Mond.
Deux bis viendront compléter le récital, l’inévitable Die Forelle, et un Schweitzerlied par lequel le chanteur rend un discret hommage à sa terre natale.