Si ces deux adjectifs qualifient d’ordinaire le style gothique de la Sainte Chapelle où se déroule ce récital, ils peuvent aussi servir d’épithète au chant de Michael Spyres. A l’inverse du voyage ténoral de sa dernière gravure, il a choisi de revenir à ses premières amours rossiniennes pour ce concert qui tombe le jour de son anniversaire. Le programme gravite donc autour du maître de Pesaro, pioche chez Meyerbeer et Bellini avant de conclure sur trois surprenants sonnets de Pétrarque de Liszt et une tarentelle de circonstance en guise de bis. Malgré la brièveté de la soirée – un peu moins d’une heure une fois retirés les commentaires joviaux de Fabienne Conrad, la directrice du Parus Sainte Chapelle Festival Opera –, ce n’est pas tant la fraternité des styles de ces compositeurs qui nous frappent, que la manière, flamboyante et rayonnante donc, avec lequel Michael Spyres les sert.
Flamboyante, car chaque fois que le respect scrupuleux de l’esprit de l’œuvre le permet, le ténor américain varie, extrapole et fait montre d’une virtuosité sur laquelle les années et les évolutions des répertoires qu’il aborde semblent ne pas avoir prise. « Cessa di piu resistere » qui trône en plein milieu du programme expose à lui seul cette maestria : d’une première partie aux phrases ciselées, où les couleurs et nuances sont légion avant la strette échevelée conclue sur un ut triomphateur.
Rayonnante par le scrupule stylistique qu’il accorde à chaque air du programme. Le phrasé bellinien trouve toute sa noblesse grâce un contrôle du souffle irréprochable et un ambitus délirant qui le conduit jusqu’au contre-ré émis avec une aisance confondante. A l’opposé, l’extrait du Crociato in Egitto retenu, met en valeur l’art de la cantilène que le ténor magnifie par la rondeur de son timbre. Toutes ses qualités se résument dans les trois sonnets de Pétrarque, que Michael Spyres ornemente là encore dans le plus pur respect du style de Liszt et en adéquation parfaite avec ses moyens hors-norme.
Tout juste reprochera-t-on quelque excès d’enthousiasme – dans le bis notamment – entrainant de menus décalages avec le piano de Mathieu Pordoy, rapidement corrigés. Celui-ci brille par son écoute et son accompagnement attentif. On se doute du peu de temps de répétition disponible, Mathieu Pordoy rentrant à peine d’Allemagne, qui ne transparait que très peu tant l’osmose et la complicité entre les deux interprètes se fait dès les premières notes.