Nina Stemme offrait à l’Opéra du Rhin un récital autour de mélodies de compositeurs suédois (et finlandais pour Sibelius) largement méconnues dans cette partie de l’Europe. Composées au crépuscule du siècle romantique, elles recouvrent dans leurs esthétiques les pans du répertoire que Nina Stemme peut défendre à la scène que ce soit dans des emplois de soprano ou de mezzo-soprano dernièrement.
De fait, l’ambitus requis pour leur interprétation correspond à celui de la soprano suédoise. N’étaient-ce quelques tensions dans le haut de la tessiture dans les deux premiers morceaux « Die Lotusblumen » et « Die traurige Frühlingsnacht », Nina Stemme en explore les méandres tel une conteuse, une fois la voix réchauffée. L’intelligence avec laquelle elle porte à la scène les rôles dramatiques qui l’ont rendue célèbre, se trouve condensée dans ces mélodies qui acquièrent presque la valeur de saynètes. « Flickan kom ifrån sin älsklings möte » en est le plus frappant exemple. Et Sibelius et Stenhammar l’ont mis en musique. La version du Finlandais conclut la première partie du concert, celle du Suédois ouvre la seconde. Nina Stemme y fait montre de toute sa versatilité, conférant une couleur sombre et ironique à la première, résolument dramatique à la seconde. « Villemo, Villemo, vi gick du » de Ture Rangström poursuit la démonstration. En quelques mesures, les questions-réponses de cette mélodie prennent vie dans les moirures du timbre de la soprano. Elle trouve en Roland Pöntinen un pianiste apte à suivre ses choix stylistiques. Les Trois fantaisies de Stenhammar qu’il interprète en solo en deuxième partie le montre d’ailleurs aussi virtuose qu’inspiré.
Pour autant, le dramatisme n’est pas le seul ressort des mélodies de ce concert et nombre d’entre elles peignent des natures mortes nostalgiques où la nouvelle assise dans le bas medium de Nina Stemme fait merveille. Si elle confesse dans le magazine de l’Opéra du Rhin avoir perdu quelques tons à l’aigu et certaines des harmoniques de sa voix, il n’en parait rien tant elle pare son chant de couleurs clair-obscur, notamment dans « Vid fönstret » (« à la fenêtre »). Le souffle, l’élégance du phrasé secondent ces intentions. Les quelques failles que la voix concède ça et là dans des fins de phrases, Nina Stemme les fait siennes et leur confère des accents de tristesse tout à fait à propos eu égard aux histoires racontées.
Attentif tout au long de ce récital intimiste où une grande artiste de notre temps se met à nu, forces et faiblesses toutes unies, le public accueillera la soprano en bravi reconnaissants. Cela lui vaudra deux bis de Sibelus (« le premier baiser » et « était-ce une rêve ») qui retrouvent le dramatisme et la fièvre pastel de ce récital hors du commun.